Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


On saisit d’assez fréquentes remontrances à l’empereur Vou ti, sur ce que le luxe était grand sous son règne, et que l’agriculture était négligée. Le prince s’adressant un jour à Tong sang so, lui dit : Je voudrais réformer mes peuples : Suggérez-m’en les moyens : Exposez-moi comment vous jugez qu’il faut s’y prendre. Tong sang so répondit par écrit en ces termes.


Prince, je pourrais vous proposer à imiter Yao, Chun, Yu, Tang etc. Mais ces heureux règnes sont passés il y a longtemps. A quoi bon remonter si haut ? Je m’arrête à des temps plus proches, et à des exemples domestiques. Ce sont ceux de Ven ti que je vous propose. Son règne est si voisin de nos jours, que quelques-uns de nos vieillards ont eu le bonheur de le voir. Or Ven ti élevé à la haute dignité de Tien tse[1], comme vous l’êtes, possédant ce vaste empire que vous possédez aujourd’hui, portait des habits simples sans ornements, et même d’un tissu assez grossier. Sa chaussure était d’un cuir mal passé. Une courroie ordinaire lui servait à tenir son épée. Ses armes n’avaient rien de recherché. Son siège était une natte des plus communes. Ses appartements n’avaient point de meubles précieux et brillants. Des sacs pleins d’écrits utiles qu’on lui présentait, en faisaient l’ornement et les richesses : et ce qui ornait sa personne, c’était la sagesse et la vertu. Les règles de sa conduite étaient la charité et la justice. Tout l’empire charmé de ces beaux exemples, s’étudiait à s’y conformer.

Aujourd’hui nous voyons toute autre chose. Votre Majesté se trouve à l’étroit dans la vaste enceinte d’un palais, qui est une grande ville. Elle entreprend de nouveaux bâtiments sans nombre. Elle donne à chacun de beaux noms. A gauche, c’est le palais du Fong hoang ; à droite, celui de Ching ming : en général c’est le palais à mille ou dix mille portes. Dans les appartements intérieurs vos femmes sont chargées de diamants, de perles, et d’autres ornements précieux. Vos chevaux sont superbement harnachés, vos chiens mêmes ont des colliers de prix. Enfin, il n’y a pas jusqu’au bois et à l’argile, que vous faites revêtir de broderie : témoins ces chars de comédie, dont vous aimez les évolutions : tout y brille, tout y est riche, et recherché. Ici vous faites fondre et placer des cloches de cent mille livres

  1. C’est-à-dire, d’empereur. J’ai ci-devant expliqué ce que signifie littéralement cette expression.