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inférieurs. Il tient le sien, et se distingue d’eux par la connaissance qu’il a, et par l’estime qu’il sait faire de la charité, de la justice, de la tempérance, de l’attachement aux rits, et de toutes les vertus. L’estime qu’il en fait, le porte à les pratiquer, et il s’en fait une si douce habitude, qu’il ne trouve plus que du plaisir à faire le bien, et à suivre en tout la raison. C’est à celui qui y est parvenu, qu’on donne avec raison le nom de sage ; et c’est le sens de ce que dit Confucius, qu’on ne doit point appeler ainsi celui qui oublie son Ming, ou qui méconnaît la nature.


Tching te sieou, auteur qui vivait sous la fin de la dynastie Song, sur les discours dont on a traduit ces endroits, dit : De tous les lettrés qui ont écrit sous les Han occidentaux, Tchong chu me paraît être le seul qui n’altère en rien la doctrine de Confucius et de Mencius. Aussi souvent rappelle-t-il son prince aux maximes et aux exemples des anciens empereurs Yao et Chun.


Nien Ngan dans un discours adressé au même empereur Vou ti, touche deux points : 1°. Le luxe qui régnait. 2°. La guerre qu’on faisait.


Aujourd’hui on ne voit dans tout l’empire que luxe et folles dépenses. Les équipages, les habits, les maisons ; tout est magnifique et recherché. Jamais on ne poussa si loin le raffinement pour le plaisir des sens. Il n’est point d’assortiment de couleur qu’on n’éprouve. Ce n’est tous les jours que nouveaux concerts. La délicatesse dans les repas ne se peut pousser plus loin. Vous diriez qu’on s’étudie à faire régner toutes les passions dans tout l’empire. Le peuple est fait de telle sorte, que dès qu’il voit quelque chose de brillant et de singulier, il se porte à le souhaiter. Permettre donc ces folles dépenses, c’est apprendre au peuple à les aimer et à les imiter suivant sa portée. Ce qui est beau, bien orné, précieux, ou extraordinaire, frappe naturellement les sens : on s’y laisse aisément séduire. Ce n’est plus pour se nourrir qu’on fait un repas c’est par friandise ou par débauche. La musique établie pour calmer les mouvements du cœur, a tellement dégénéré, qu’elle allume aujourd’hui les plus honteuses passions. Au lieu d’un attachement sincère aux rits, ce n’est plus qu’ostentation, que grimaces, et que vaines parures. La dissimulation et la fourberie tiennent lieu de sagesse. Or je demande, la fourberie, l’ostentation, la galanterie, l’intempérance, sont-ce de bonnes leçons à donner aux peuples ? est ce le moyen de les retenir dans le devoir ? Non, sans doute, et il ne faut pas s’étonner si tous les jours le nombre des crimes croît de plus en plus. C’est à quoi je voudrais, que par zèle pour vos peuples, et pour le bien de votre État, vous missiez ordre au plus tôt.