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Depuis du temps cette excellente méthode n’est plus suivie. Aussi les peuples négligés ont abandonné la justice, et suivent aveuglément leurs cupidités, sans que la crainte des lois soit capable de les retenir. De là un si grand nombre de criminels, que chaque année, on les compte par ouan[1]. Pour peu qu’on fasse attention à cette énorme différence, on ne peut manquer de conclure, que la méthode des anciens est celle qu’il faut absolument suivre : et c’est ce que le Tchun tsiou[2] fait bien sentir, en censurant tout ce qui s’éloigne de la sage antiquité. Tout ce que Tien prescrit et ordonne aux hommes, est compris sous ce mot Ming[3]. Remplir parfaitement tout ce que signifie cette expression, c’est le propre des parfaits. Les puissances ou les facultés que chacun apporte en naissant, sont toutes comprises sous le terme Sing[4] : mais cette nature, pour acquérir la perfection dont elle est capable, a besoin du secours de l’instruction. Tous les appétits naturels à l’homme sont compris sous ce mot Tsing[5] (inclinations). Ces inclinations ont besoin de règles, pour ne donner dans aucun excès. Les devoirs essentiels d’un bon prince, et ses premiers soins sont donc d’entrer avec respect dans les vues de Tien son supérieur, pour se conformer lui-même à ses ordres ; de procurer aux peuples qui lui sont soumis, l’instruction dont ils ont besoin pour acquérir la perfection dont leur nature est capable ; enfin d’établir des lois, de distinguer les rangs, et de faire d’autres règlements les plus convenables, pour prévenir ou arrêter le dérèglement des passions. Un prince n’omet-il rien de tout cela ? Le plus fort est fait, et son gouvernement est établi sur des fondements solides.

L’homme a reçu de Tien son ming[6] ; mais bien différent des autres êtres même vivants. De ce ming naissent dans une famille les devoirs de père à fils, et de fils à père, etc. Dans un État, ceux de prince à sujet ; de déférence et de respect pour la vieillesse. De là l’union, l’amitié, la politesse, et tous les autres liens de leur société. C’est par là que Tien a mis l’homme dans ce rang supérieur qu’il tient sur la terre. Tien produit les cinq grains, et les six espèces d’animaux domestiques, pour le nourrir ; la soie, le chanvre, etc. pour le vêtir. Il lui a donné le talent de dompter les bœufs et les chevaux, afin qu’il pût s’en servir. Il n’y a pas jusqu’aux léopards et aux tigres, sur lesquels il n’exerce son empire, et qu’il ne vienne à bout de mettre en cage. C’est que véritablement il a une intelligence céleste, qui l’élève au-dessus du reste. Celui qui connaît comme il faut cette nature céleste qu’il a reçue, n’a garde de se ravaler au rang des êtres

  1. Un ouan est dix mille.
  2. Livre de Confucius.
  3. Ming signifie ordre, commandement, volonté supérieure.
  4. Sing.
  5. Tsing. Inclinaisons, affections, passions.
  6. Ming. C’est le même que ci-dessus ; mais il réunit ici ming, et sing à la même chose : savoir à la droite raison conformément au livre Tchong Yong, qui commence par ces mots Tien ming tchin oei sing. Tien ming et sing c’est la même chose. Ming, disent les commentaires, en tant que venant de Tien ; Sing en tant que constituant l’homme.