Votre Majesté dans sa déclaration, a la bonté de demander qu’on lui donne des lumières sur ce qui s’appelle l’ordre de Tien[1] et sur la nature et les affections de l’homme[2]. C’est de quoi je me reconnais peu capable. Tout ce que je puis faire pour vous obéir, c’est de vous dire qu’après un sérieux examen des événements passés et particulièrement de ceux dont le Tchun tsiou[3] nous instruit, rien ne me paraît plus capable d’inspirer aux princes, une crainte filiale et respectueuse, que la manière dont Tien a coutume d’en user avec les hommes. Quand une dynastie commence à s’écarter des voies droites de la sagesse et de la vertu, Tien commence ordinairement par lui envoyer quelque disgrâce pour la redresser. Si le prince qui règne ne rentre point en lui-même, Tien emploie des prodiges et des phénomènes effrayants, pour lui inspirer une juste crainte. Si tout cela est sans effet, et que le prince n’en profite point, sa perte n’est pas éloignée.
Par cette conduite de Tien, on voit assez que son cœur est plein de bonté pour les princes, et qu’il ne veut que les corriger. En effet, l’intention de Tien est de les aider et de les soutenir et il ne les abandonne point, que leurs désordres ne soient venus à de grandes extrémités. Le point essentiel pour un prince, est donc qu’il fasse lui-même ses efforts ; premièrement, pour s’instruire et devenir plus éclairé sur ses devoirs ; en second lieu, pour s’en acquitter en effet, et par là croître chaque jour en mérite et en vertu. C’est ainsi, et non autrement, qu’on peut parvenir à un véritable changement,
- ↑ Le chinois dit Tien ming, Ciel.
- ↑ Le chinois dit : sing, tsing. Peut être faudrait-il traduire : la raison et les passions. Ces expressions ont souvent ce sens. On se contente d’en avertir, et l’on s’arrête en traduisant, à la signification la plus générale.
- ↑ Nom d’un livre, dont on dit que Confucius est l’auteur.