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Au reste ces colonies ont deux fins : l’une est de cultiver des pays déserts ; l’autre d’assurer les frontières. Par rapport au premier point, voici ce qui est à observer suivant la méthode des anciens. Avant que de bâtir une ville, et d’en régler le district, il faut choisir, autant qu’il se peut, un lieu sain, où il y ait de bonnes eaux, dont le terroir, par la beauté des arbres et la quantité de bonnes herbes, paraisse devoir être d’un bon rapport. Lorsque vous trouverez un endroit qui ait à peu près tout cela, il faut y bâtir une ville et des maisons : déterminer les dépendances de cette ville, est, ouest, nord, et sud : partager ce qu’il y aura de terres labourables, et en bien régler les bornes par des sentiers de communication. Chaque maison doit avoir au moins un salon commun, et deux chambres raisonnables, le tout bien conditionné, fermé de bonnes portes, et suffisamment meublé ; afin que ces nouveaux habitants trouvant là le nécessaire, oublient plus facilement leurs anciennes demeures, et entreprennent avec courage ce nouvel établissement. Dans chacune de ces villes, il faut faire en sorte qu’il y ait d’abord des médecins et des Ou[1] ; les uns pour avoir soin des malades, les autres pour les enterrements et les autres cérémonies funèbres. Il faut procurer les mariages ; faire valoir la coutume des conjouissances et des condoléances accompagnées de secours mutuels ; assigner des sépultures ; enfin pourvoir à tout ce que demande une habitation fixe et permanente.

Par rapport au second point, qui est d’assurer les frontières, voici ce que j’ai encore appris des anciens, et ce qu’il convient de faire. Que toutes les familles d’un district soient partagées de cinq en cinq. Que cinq familles aient un chef. Que dix fois cinq familles soient réunies pour former un Li, sous un chef plus considérable que les premiers. Que quatre li réunis forment un lieu et que ce lieu ait un officier. Enfin, que dix lieu réunis forment un Y ; et que cet Y ait un commandant, auquel tous les autres officiers soient subordonnés. Qu’on choisisse pour officiers les gens les mieux instruits du pays, et les plus propres à se faire aimer. Que chaque officier subalterne ait des temps réglés, pour faire faire l’exercice à tout son monde ; et qu’il ait soin que les jeunes gens s’y trouvent. S’il faut marcher contre l’ennemi, que l’officier soit à la tête des troupes. Qu’il ne soit point permis aux gens d’un district d’aller s’établir dans un autre ; mais qu’accoutumés les uns aux autres, ils demeurent bien unis. La nuit, s’il vient une alarme, ils se reconnaîtront mieux à la voix, et se secoueront plus à propos. Le jour, dans la chaleur du combat, ils se distingueront plus facilement ; et se connaissant de longue main, ils en seront plus ardents à s’exposer les uns pour les autres, et à se secourir jusqu’à la mort. Qu’on joigne à ces règlements des récompenses pour les braves, et des peines pour les lâches ; dans peu l’on aura là des gens à ne jamais fuir devant l’ennemi.

  1. Il est clair qu’ici cette expression n’a point la signification qu’on lui donne ailleurs de sorcier ou de magicien.