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bien meilleure. Qu’il y ait espérance de s’avancer, ou du butin à faire, peuples et soldats courent comme au feu, et s’exposent aux plus grands dangers. Dans ces expéditions de Chi hoang, peuples et soldats avaient à essuyer mille dangers, et nulle récompense à espérer. Aussi chacun voyait-il les malheurs prochains qui menaçaient la dynastie Tsin. Tching chin n’eut pas plus tôt donné le signal, en se mettant en campagne, et se saisissant de Ta tze, qu’on le suivit de tous côtés, comme l’eau d’une rivière suit sa pente naturelle. C’est où aboutirent les expéditions que l’ambition et la cupidité de Chi hoang lui firent entreprendre.

Il n’est pas surprenant que les Hou tentent fréquemment des irruptions sur nos frontières. Voici pourquoi. Ce sont gens qui pour le vivre et le vêtir, n’ont pas besoin de la culture des terres. Ils vivent de chair et de lait, et ont pour vêtement des habits de peaux. Ils n’ont ni villes, ni champs, ni maisons fixes, errant çà et là comme les bêtes. Trouvent-ils des pâturages et de l’eau pour leurs troupeaux ? Ils s’arrêtent. L’herbe manque-t-elle ? Ils décampent et vont ailleurs. Enfin aller et venir ne leur coûtent rien, c’est leur occupation ordinaire. Supposons donc que cette nation en chassant, fasse irruption sur nos frontières en divers endroits ; les princes de Yen, de Tai, de Chang kiun et de Long si qui sont limitrophes de ces terres, ont si peu de monde à leur opposer, que si Votre Majesté n’y envoie des troupes, les peuples de ces quartiers-là sont exposés et s’ils ne se voient pas soutenus, la crainte peut les obliger à se soumettre aux ennemis. Y envoyer des troupes, autre embarras : car si on y en envoie peu, on ne remédiera point efficacement au mal. Si l’on veut y en envoyer beaucoup, il y a loin, il faut du temps ; et quand ces troupes arriveront, les Hou se seront retirés et seront déjà bien loin. Y entretenir continuellement de nombreuses troupes, c’est une grosse dépense. Les congédier, il faut s’attendre que les Hou ne seront pas longtemps sans revenir. Voilà ce qui depuis bien des années inquiète la Chine, et la fait souffrir de ce côté-là.

Pour obvier à ces inconvénients, rien de meilleur, ce me semble, que d’établir le long de nos frontières, de nouvelles colonies, d’y fixer plusieurs familles, à qui l’on distribue des terres. Pour cela il faut y bâtir des forteresses revêtues de bonnes murailles ; les bien munir de pierres et d’autres armes[1]. Il faut donner à chacune une étendue raisonnable, les placer toutes le plus près qu’il se pourra des gorges, ayant cependant égard à la commodité des habitants : déterminer par les rivières et d’autres marques, les limites de leur district ; et bien établir dans chacune pour le moins mille familles. Pour cela, il faut commencer par y bâtir des maisons, et fournir

  1. Le chinois dit Pao, qui signifie machine à jeter des pierres. Comment était-elle faite, et comment poussait-elle ces pierres ? C’est ce qu’on ne sait pas. Depuis qu’on a des canons à la Chine, on les appelle aussi pao ; mais il y a cette différence entre les deux caractères chinois, que le premier est ta che, et le second ho pao. Or che, signifie pierre ; ho, signifie feu ; pao, signifie enveloppe, envelopper, etc.