bonne maxime est d’aller au plus sûr, et de ne rien hasarder. Il y a de ces étrangers qui se sont soumis volontairement à nos lois ; on en peut faire un corps de plusieurs mille hommes. Ce sont gens accoutumés à vivre et à fatiguer comme les Hou lou. Ils ont leurs manières et leurs talents ; on pourrait, ce me semble, s’en servir utilement : il faudrait les bien pourvoir d’armes offensives et défensives, leur donner pour commandant un de nos officiers bien choisi, qui soit déjà un peu instruit dans leurs manières, et qui sache les gagner ; recommander au général de faire agir ce corps de troupes dans les endroits embarrassés ou escarpés ; et pour les combats en rase campagne, d’employer les autres troupes. C’est, à mon sens, le moyen de ne rien risquer. La tradition dit : Un prince éclairé profite de tout, même des discours d’un fol. Qui suis-je moi, qu’un homme sans mérite et sans lumière ? Je ne désespère cependant pas que votre sagesse ne vous fasse trouver, en ce que j’ai dit, quelque chose de bon à suivre.
Je trouve que sous la dynastie Tsin, Chi hoang du côté du nord, attaqua[1] Hou mé, et Yang yué au midi ; il leva des armées, non à dessein de garder ses frontières, et mettre ses peuples en sûreté, mais pour satisfaire son orgueil et son insatiable cupidité : aussi, avant qu’il pût venir à bout de ses ambitieux desseins, il vit tout l’empire en trouble. On le dit, et il est vrai : faire la guerre à des ennemis qu’on ne connaît point, et dont on ne sait ni le fort ni le faible, c’est tout risquer. Chi hoang l’expérimenta. Le pays des Hou mé est un climat très froid ; l’écorce des arbres y est épaisse de trois pouces. Les hommes n’y ont pour nourriture que la chair des animaux à demi crue, et pour boisson que du laitage : les animaux y ont le poil dense et serré. La peau des hommes y est dure à proportion, et peut soutenir ces grands froids. Yang yué au contraire est un pays, où il n’y a presque point d’hiver, où les chaleurs sont grandes et longues ; mais ceux qui l’habitent, y sont accoutumés. Les troupes de Chi hoang ne pouvaient soutenir la rigueur de ces climats : les soldats y mouraient en grand nombre. Ceux qui leur conduisaient des vivres, périssaient en chemin ; et l’on partait pour ces pays-là, comme pour aller au supplice.
En effet, on condamnait à ces corvées : premièrement les officiers qui étaient en faute ; ensuite ceux qui s’étaient donnés pour gendres, à condition de quitter leurs pères ; puis ceux qui étaient gens notés, ou dont les père et mère l’avaient été. On ne peut guère compter sur des gens qu’on ne sait agir que par violence et malgré eux. La voie des récompenses est
- ↑ Noms de pays.