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Autant vaudrait-il qu’elle fût sans fer, que de l’avoir obtus et mauvais. Si le général ne veille à cela, et que son armée soit mal pourvue d’armes, cinq hommes n’en valent pas un. Aussi le livre que j’ai cité, dit-il encore : conduire une armée mal pourvue d’armes, c’est mener des soldats à la boucherie. Un prince qui donne à un général de méchantes troupes, quand il faut combattre, livre ce général à l’ennemi. Un général qui se néglige en ce que nous venons de dire, trahit et livre son prince. Enfin un prince qui choisit mal un général, livre aux ennemis ses États. Ces axiomes sont très vrais, et méritent qu’on les pèse.

On dit de plus, et il est vrai, que comme il y a différence du petit au grand, du fort au faible, du difficile et dangereux au facile et favorable, il faut être éclairé et attentif sur tout cela, pour prendre bien son parti. Selon la différence des États, leurs manières doivent être, et sont communément différentes. La maxime d’un petit royaume est de plier sous un grand, pour avoir la paix. La maxime commune aux petits États, est de s’unir contre un grand, quand ils le peuvent. La maxime de notre Chine, est d’opposer barbares à barbares.

Les Hou lou, auxquels nous avons maintenant affaire, ont trois avantages que nous n’avons pas. Leur pays est entrecoupé de montagnes et de ravines ; eux et leurs chevaux y sont accoutumés : nos chevaux et nos chariots n’y peuvent agir, ni même entrer. Ces peuples faits de jeunesse à ces courses irrégulières, en galopant par monts et par vaux, tirent cependant de l’arc assez juste. Nos chariots et nos chevaux n’y pouvant aller, comment nos fantassins seuls pourront-ils tenir contre ? D’ailleurs ils ne craignent ni vent ni pluie, ni faim, ni soif. Ils sont faits à la fatigue, et durs au travail, beaucoup plus que ne sont nos gens : mais s’il s’agit de se battre en rase campagne, nous avons sur eux de grands avantages : les évolutions de notre cavalerie et de nos chariots les déconcertent. Nos grands arcs portant fort loin, les leurs ne peuvent nous atteindre. Dans la mêlée même, nos gens armés de bonnes cuirasses, marchant toujours en bon ordre, l’épée ou la pique en main, et soutenus de nos archers : les barbares cèdent bientôt. Pour peu que nos gens soient exercés à escarmoucher et à tirer, les armes défensives de ces barbares, qui sont de bois et de peaux, sont bientôt en pièces. Que si l’on met pied à terre de part et d’autre, et qu’on ne combatte qu’avec armes blanches, les Hou lou nous résistent encore moins. Accoutumés qu’ils sont au cheval, ils ne sont point assez fermes pour combattre à pied.

À ce compte pour trois avantages que ces barbares ont sur nos gens, il y en a sept qu’ont nos gens sur eux. Si nous ajoutons à cela, que nous pouvons avoir aisément dix hommes contre un, la victoire paraît certaine. Cependant il est toujours vrai de dire, que les armes sont des instruments funestes, et la guerre une chose hasardeuse. Le plus grand et le plus fort peut y devenir en un instant le plus petit et le plus faible : et il arrive quelquefois, que pour s’opiniâtrer à vouloir vaincre, la défaite devient si grande, qu’on ne peut s’en relever. Alors on se repent, mais trop tard. La