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Placez-le toujours avec attention dans un lieu sûr et bien uni, il se conserve longtemps ; sans cela il sera bientôt rompu. La bonté, la justice, les rits, la musique furent la base ferme et unie, sur laquelle Tang et Vou établirent chacun leur empire : aussi leurs dynasties durèrent-elles pendant plusieurs siècles, et furent-elles si florissantes, que la mémoire en est encore aujourd’hui célèbre, et le sera toujours. Pour Chi hoang, il n’établit son autorité que sur la terreur et les supplices ; la vertu et les bienfaits n’y eurent aucune part : bientôt ce ne fut que murmures et imprécations, et les sujets le haïrent comme leur plus grand ennemi. Il s’en fallut peu que lui-même ne fut sacrifié personnellement à une haine si publique. Son fils n’y put échapper : il périt et perdit l’empire. Cet événement est si récent, qu’il peut passer pour être de nos jours. Pour appuyer donc ce que j’ai dit, que puis-je apporter de plus sensible ?

Un souverain peut se comparer à une salle ; les officiers du royaume aux degrés de cette salle, et les peuples au sol qui est au bas des degrés. Si une salle est tellement exhaussée au-dessus du sol, qu’il y ait, par exemple, entre deux neuf belles marches bien en état, elle a bon air et passe pour belle : on n’y monte qu’avec respect. Si au contraire elle est presque de niveau avec le sol qui l’environne, et n’a que quelques marches mal en ordre ; il est naturel qu’on la méprise, et qu’on y entre sans façon. L’application est facile à faire : nos anciens empereurs l’avaient bien conçue. C’est pourquoi ils établissent cette belle variété de différents ordres. Auprès de leur personne ils avaient des kong, des king, des ta fou[1] ; dans les différentes parties de leur empire étaient aussi répandus des kong, des heou, des pe, des tze, des nan, sans compter les officiers ordinaires de chaque ville, et grand nombre de subalternes.

Le prince élevé au-dessus de tous ces ordres, paraissait si grand et si respectable, qu’à l’abri de sa Majesté, les officiers qui l’approchaient, étaient hors d’insulte. Les villageois ont un proverbe qui dit : j’aurais bien tué le rat, mais j’ai respecté le vase. Cette comparaison, quoique grossière, peut cependant s’appliquer ici. C’est le respect qu’on doit au prince, qui fait respecter tout ce qui l’approche, sans en excepter le cheval qu’il monte, ni la paille que ce cheval doit manger. Nos anciens rituels défendaient d’aller regarder aux dents du cheval ; et il y avait une peine réglée pour celui qui foulait aux pieds cette paille. Encore aujourd’hui, quand la table ou le bâton du prince passe, celui qui est assis, se lève aussitôt : ceux qui sont debout, se composent ; soit qu’on soit en chaise ou à cheval, si l’on rencontre par hasard la chaise du prince à vide, aussitôt l’on met pied à terre. Faut-il s’étonner après cela, si nos anciennes lois n’assujettissaient aux punitions corporelles qu’elles prescrivaient, que des personnes d’un ordre inférieur aux ta fou ? Sans doute que nos sages législateurs jugeaient qu’il

  1. Peut-être l’historien a-t-il encore retranché quelque chose ; du moins la matière qui suit, est différente. Kia y dans le récit de ce discours, parle des égards que le prince doit avoir pour ses ministres, et autres grands officiers.