en est comme certain, et conséquemment l’empire est heureux. Car, comme dit le Chu king : le bonheur de tous les peuples dépend d’un homme. C’est à quoi il faudrait penser : c’est actuellement ce qu’il y a de plus pressé[1].
Les plus éclairés des hommes voient toujours moins clair dans l’avenir que dans le passé. Or à quoi tendent les rits ? C’est à prévenir les désordres ; au lieu que les châtiments sont pour les punir. De là vient qu’il n’y a personne qui ne conçoive d’abord l’importance, la nécessité, et l’effet des punitions. Récompenser la vertu, pour animer à la suivre ; punir le vice pour en détourner, sont deux grands ressorts du gouvernement. Nos anciens sages les ont employés avec une constance, une fermeté, et une équité incomparable. Je suis fort éloigné de les rejeter. Et si je m’attache ici à recommander les rits, c’est que les rits après tout ont sur les châtiments cet avantage, qu’ils tendent à exterminer le vice avant qu’il naisse. Ils instruisent peu à peu, et comme insensiblement les peuples : ils les éloignent doucement du mal, et les dirigent vers le bien, presque sans qu’ils s’en aperçoivent. C’est ce qui faisait dire à Confucius : savoir juger les procès, c’est une bonne chose : on trouve des personnes qui en sont capables, et qui le font ; mais, ce qui vaudrait beaucoup mieux, ce serait de faire en sorte qu’il n’y en eût point du tout. Je cherche qui le puisse faire.
Ceux qui veulent aider un prince à bien gouverner, ne sauraient, à mon avis, mieux s’y prendre, qu’en lui faisant d’abord bien distinguer ses véritables et principaux intérêts, de ceux qui ne le sont qu’en apparence, ou qu’on peut négliger sans conséquence. De là, plus que d’aucune autre chose, dépendent ses succès ou ses disgrâces. Ce qu’il importe surtout qu’un souverain comprenne bien, c’est que les grands changements en bien ou en mal, ne se font pas en un jour, surtout dans les grands empires ; que ces changements viennent de loin, peu à peu ; et qu’à la fin on recueille en gros, ce qu’on a semé en détail. Si le gouvernement journalier n’a roulé que sur la rigueur des lois, et sur la sévérité du prince, à cette multitude de lois dures, et de châtiments cruels, répondra de la part des peuples, un amas de malédictions et de révoltes. Que si le prince au contraire a fait son fort des rits et du bon exemple, il en résultera de la part des peuples une union parfaite entr’eux, et un sincère attachement pour lui. Chi hoang ne souhaitait pas moins que Tching tang et Vou vang illustrer le palais de ses ancêtres, en faisant passer son empire à une nombreuse postérité. Cependant Tang et Vou fondent chacun une dynastie qui dure six à sept cents ans. Chi hoang en fonde une qui dure treize ans. Voici la cause d’une si énorme différence.
L’empire se peut comparer à un beau et précieux vase, mais fragile.
- ↑ Peut-être Kia y pour finir un de ses sujets de gémir, exposait-il sur ce prince héritier dont on négligeait l'éducation, des choses que l'historien aura retranchées. Quoi qu'il n soit il entame un autre sujet.