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de nos trois fameuses dynasties ? C’est en employant tous ces moyens, mais surtout en prenant soin de bien élever l’héritier de la couronne.

Le contraire arriva sous les Tsin. La politesse et la modestie étaient des vertus presque inconnues. Le plus respecté était celui qui ne cédait à personne, qui était le plus fécond en paroles injurieuses, et qui en accablait le plus hardiment les premiers venus. Alors le gouvernement ne roulait ni sur les rits, ni sur la vertu ; c’était uniquement sur les punitions : jusque-là que Tchao kao donné pour gouverneur à Hou hai[1] ne l’entretenait d’autre chose. Aujourd’hui c’était des têtes coupées, demain des familles éteintes. Aussi qu’en arriva-t-il ? Hou hai monté aujourd’hui sur le trône, demain il tue lui-même un de ses sujets. Les remontrances les plus respectueuses et les plus justes passent pour des murmures séditieux. Les conseils les plus importants sont traités de bagatelles ; et le prince regarde aussi froidement couper des têtes que des roseaux. Faut-il attribuer tant de cruauté au seul naturel de ce prince ? Non sans doute ; et la mauvaise éducation y avait la plus grande part. Voici deux proverbes assez communs : l’un dit, vous n’avez pas d’usage dans certaines choses : suivez ceux qui y ont réussi. L’autre dit : où le premier charretier a versé, celui qui le suit est sur ses gardes.

Nos trois fameuses dynasties ont fleuri durant longtemps : nous savons ce qui s’y faisait ; il ne tient qu’à nous de l’imiter. Le faisons-nous ? La dynastie Tsin s’est perdue en très peu de temps. Les méchants chemins qu’elle a pris, et qui l’ont conduite à sa perte, nous sont connus : ses traces sont bien marquées. Les évitons-nous ? C’est vouloir périr comme Tsin, que de marcher sur ses traces. Je l’ai dit, et je le répète : de l’éducation du prince héritier dépend le sort de l’empire ; mais le succès de cette éducation, d’où dépend-il ? De deux choses essentielles. La première est qu’il faut s’y prendre de bonne heure ; la seconde, qu’il faut faire un bon choix des personnes qu’on lui donne pour l’instruire. Quand on s’y prend de bonne heure, avant que rien ait préoccupé le cœur du prince, les bonnes impressions ont toute leur force. Il ne reste plus qu’à lui donner des gens qui se conduisent avec sagesse et dextérité : au contraire, si l’on diffère, et qu’on lui laisse prendre un mauvais pli, on a beau mettre ensuite auprès de lui des gens de mérite, ils le suivent, l’accompagnent, sont témoins de ses défauts ; mais rarement ils réussissent à le corriger. Les gens de Ou et de Yué naissent avec les mêmes inclinations ; ils ont tout semblable dans l’enfance jusqu’à l’accent. Sont-ils devenus hommes faits ? C’est une antipathie si grande entre ces deux peuples d’ailleurs si voisins, qu’ils ne peuvent se souffrir, Quelle en est la cause ? L’éducation et la coutume. J’ai donc eu raison de dire que pour bien réussir dans l’éducation d’un prince, il faut commencer de bonne heure et faire un bon choix : moyennant quoi le succès

  1. C'était le nom du fils de Chi hoang désigné son successeur : celui-là même qu'on nomma 'Éul chi.