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a pas si loin d’homme à homme. D’où vient que les trois familles, Hia, Chang, Tcheou, ont eu tant de règnes heureux et longs ; au lieu que la dynastie Tsin toujours en trouble, a presque aussitôt fini que commencé ? En voici une des causes et peut-être une des principales. Anciennement nos empereurs avaient-ils un prince héritier ? Ils le déclaraient tel avec solennité. On nommait quelque homme de considération, qui le conduisait au kiao[1] du Midi, pour se présenter à Tien. Tous les grands officiers de la cour l’y suivaient. Là en habit de cérémonie, ils se présentaient avec respect devant le jeune prince pour le reconnaître héritier de la couronne. Quoiqu’il fût désigné successeur, passait-il devant le palais de son père ? Il descendait de cheval ou de son char. Rencontrait-il en passant le palais de ses ancêtres ? Il hâtait le pas. Par toutes ces cérémonies on lui apprenait l’obéissance et la piété envers ses parents ; et l’on se hâtait ainsi de travailler dès son enfance à le bien instruire. Tching vang[2] pouvait à peine marcher, qu’on mit auprès de lui Tchao kong en qualité de tai pao ; Tcheou kong en qualité de tai fou ; et Tai kong en qualité de tai se. Chacun de ces trois seigneurs avait un second qui ne quittait jamais le prince. Le premier était chargé de la garde de sa personne. Le second était son gouverneur, et le troisième son précepteur. Ces hommes qu’on choisissait pour former un jeune prince, étaient recommandables par leur vertu, et également capables d’en donner à propos des leçons. Ils lui en donnaient en effet assez fréquemment : mais ils étaient surtout attentifs à ce qu’il ne parlât qu’à des gens bien sûrs pour les mœurs, et qu’il ne vît rien qui ne fût dans l’ordre. Enfin tous les officiers de sa suite étaient gens vertueux, graves, savants, mais en même temps ingénieux à profiter de tout pour le bien instruire. Un homme qui naît, et qui est élevé dans le pays de Tsi ou de Tsou, en prend infailliblement l’accent. Un prince élevé, comme j’ai dit, pouvait-il manquer de prendre un bon pli ? Confucius le dit, et il est vrai : l’éducation est comme une seconde nature ; et l’on fait comme naturellement ce dont on a l’habitude.

Le prince héritier étant devenu nubile, on le faisait alors passer successivement par six espèces d’appartements, qui étaient autant d’écoles. Dans la première qui était à l’Orient, on l’instruisait des rits en détail, et surtout de ce qu’il devait observer à l’égard de ceux que le sang ou l’alliance mettait au nombre de ses proches : là on lui apprenait à préférer les plus proches aux plus éloignés, quand tout est d’ailleurs égal ; à les traiter tous avec bonté ; à les tenir bien unis, chacun dans leur rang. De là il passait à l’école du Midi : il y apprenait à faire à propos distinction des âges ; à inspirer du respect aux plus jeunes pour les plus âgés ; à établir parmi les uns et les autres la bonne foi, et à prévenir ainsi toute dissension et tout procès. Il allait ensuite à l’école de l’Occident : c’est là qu’on l’entretenait du choix que doit faire un souverain des officiers qu’il met en place. Les maximes

  1. C'était l'endroit destiné pour les cérémonies solennelles en l'honneur du Chang ti, Chang, suprème, Ti, empereur, ou seigneur, maître.
  2. Un des empereurs de la dynastie Tcheou.