Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bas : quel effroyable renversement ! Pendant qu’on le souffre, peut-on dire qu’il y ait dans l’empire des officiers vraiment zélés ? Cependant c’est réellement la triste et honteuse situation, où est aujourd’hui l’empire, sans qu’on tâche à l’en relever : il souffre encore des douleurs violentes dans un de ses côtés : c’est du Nord-Ouest que je parle. Malgré les dépenses qu’on a faites pour y entretenir de nombreuses troupes, et des officiers avec de gros appointements, les peuples y sont toujours dans l’alarme. Tous ceux qui ont tant soit peu de force, font sans cesse sentinelle : ils sont occupés jour et nuit à faire des feux, ou à donner des signaux semblables. Les troupes de leur côté sont obligées de dormir la cuirasse sur le dos, et le casque en tête. Ce sont là des maux réels, qui affligent votre empire. Un médecin offre un remède pour l’en guérir, on ne veut pas l’écouter. Cela n’est-il pas capable de tirer les larmes des yeux ? portant, comme vous faites, le glorieux titre d’empereur, n’est-ce pas une ignominie de vous rendre en effet comme tributaire ? Si vous continuez de souffrir le dernier de tous les opprobres, et si vous laissez invétérer les maux présents ; à quoi aboutira cette conduite ? Parmi tous ceux dont votre Majesté prend les avis, il n’en est point qui ne convienne de la réalité des maux que je vous expose. Mais s’agit-il d’y remédier ils ne voient pas, disent-ils, comment s’y prendre. Pour moi, je suis d’un avis bien différent. Toute la nation des Hiong nou n’a pas tant de monde, qu’un seul des grands hien de votre empire. Or quelle honte n’est-ce pas pour ceux qui gouvernent, de ne pouvoir résister avec les forces d’un si vaste État, à une puissance si limitée. Les maux que nous souffrons des Hiong nou, sont si peu irrémédiables, qu’avec les seules forces d’un des princes qui vous sont soumis, pour peu qu’on suivît mes conseils, bientôt ces barbares seraient domptés. Faites-en l’épreuve ; vous serez dans peu maître absolu du sort de Tan yu[1] ; et je ferai donner, si vous voulez, les étrivières au traître Yué[2] qui est à la tête de son Conseil. Souffrez que je le dise, si les Hiong nou sont si fiers, c’est votre manière d’agir qui en est la cause : au lieu de courir sur ces sauvages qui vous inquiètent, vous vous amusez à courir des sangliers : au lieu de donner comme il faut la chasse à ces canailles qui se révoltent, vous chassez des lièvres, et pour un divertissement frivole, vous négligez de penser à de si grands maux. Ce n’est pas ainsi que se procurent le repos et la sûreté. Il ne tiendrait qu’à vous, si vous le vouliez bien, de rendre votre autorité redoutable, et de faire aimer votre vertu aux contrées les plus éloignées, même au-delà des bornes de votre empire. Et cependant aujourd’hui à peine pouvez-vous vous assurer d’être obéi à 30 ou 40 lieues de votre empire. C’est la seconde chose que j’ai dit devoir tirer les larmes des yeux à quiconque se sent du zèle.

Le luxe[3] monte aujourd’hui à un tel excès, que le simple peuple orne

  1. C’est le prince des Hiong nu.
  2. C’était un Chinois fugitif.
  3. Ici commence l'exposition de choses capables de faire pousser de grands soupirs.
    Suivent