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à votre cour ? Voudra-t-il y venir ? Supposons cependant qu’il y vienne. Comment oserez-vous le punir suivant la rigueur des lois ? Maltraiter ainsi un parent proche, ce serait mettre contre vous les autres ; plusieurs se soulèveraient infailliblement. Il y a encore à la vérité quelques Fong kai[1] mais outre qu’ils sont bien rares, à quoi sert leur hardiesse ? A peine ont-ils ouvert la bouche, qu’un coup de poignard, dont quelques bandits gagés leur percent le cœur, la leur ferme pour toujours. Si donc vous ne prenez au plus tôt d’autres mesures, les choses en vont venir à un point, que vous ne pourrez ni arrêter la révolte de vos parents, ni garantir de leurs violences ceux qui auront eu le courage de se déclarer pour vous contre eux.

Votre dynastie Han n’a pas été plus tôt établie, que les Liu[2] abusant du trop grand pouvoir qu’ils avaient acquis à la faveur d’une alliance, se sont efforcés de la détruire. Mais ce qui causa ces troubles passés, je viens de vous l’indiquer. Les Liu étaient trop puissants. Par cette même raison n’avez-vous pas lieu de craindre, qu’on ne tente aujourd’hui contre vous en particulier, ce que ci-devant les Liu ont tenté contre toute votre maison et que l’empire ne retombe dans un état à peu près semblable à celui d’alors ? En ce cas-là qui peut répondre de l’événement ? Malgré vos grandes lumières, vous y seriez pour le moins fort embarrassé. Que serait-ce si ce malheur tardait assez pour tomber sur quelqu’un de vos enfants, qui se trouvât n’en avoir pas tant ? Le boucher Tan[3] disséquait dans une matinée jusqu’à douze bœufs sans que son couteau eût la moindre brèche. Comment cela ? C’est qu’il ne s’en servait que pour disséquer les chairs, et séparer adroitement les jointures ; Venait-il aux os, ou à quelqu’autre endroit qui en approchât pour la dureté ? Aussitôt il prenait la hache. Ce qu’est au boucher le couteau, la clémence, la libéralité, et semblables vertus, le sont au souverain. Les lois et son pouvoir sont sa hache. Or les Tchu heou d’aujourd’hui me paraissent être autant d’os ou de cartilages durs. Cela est du moins très certain de deux. C’est une expérience assez constante, que c’est par les princes subordonnés et puissants que commence le trouble.

Cela se voit sensiblement dans l’histoire, particulièrement dans un des endroits que j’ai touchés. La révolte commença par Houi yu ; aussi était-il vang de Tsou, État dont les forces étaient très considérables. Han sin le suivit de près ; Pourquoi ? C’est qu’il était soutenu des Hou. L’habileté de Koan kao ministre de Tchao[4] avait rendu cet État riche et puissant ; aussi se souleva-t-il le troisième. Tching hi, qui le suivit de près, n’avait pas un

  1. C'est le nom d'un homme, qui était Yu se, avait présenté hautement à l'empereur une accusation contre Li ong, disant qu'il fallait le punir de mort.
  2. Nom d'une famille dont était l'impératrice, épouse de Kao ti, fondateur de la dynastie appelée Han.
  3. Cette citation est tirée de Keou tse, fameux ministre sous Hoen kong, prince de Tsi.
  4. Nom d'une nation étrangère voisine de la Chine.