Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne cherchons point si loin des exemples : il fut un temps plus proche du nôtre, que Chang régnait en Tsou, Kin pou en Hoai nan, Poung yue en Leang, Hun sin en Han, Tchang ngao en Tchao, ayant Koan kao pour ministre ; que Lou koan régnait en Yen ; et Tchin hi, sans être vang, occupait Tai. Supposons que ces six ou sept princes vivent encore ; qu’ils sont bien établis chacun chez soi, que leurs États sont florissants, qu’ils n’ont rien à craindre les uns des autres ; dans cette supposition, vous qui êtes empereur, seriez-vous sans alarme ? Non sans doute.

Après la mort de Chi hoang et d’Eul chi son fils, l’empire étant en trouble et sans maître, Kao ti votre père prenant les armes, tous ceux que j’ai nommés ci-dessus, les prirent aussi. Chacun avait ses espérances et son parti. Nul d’entr’eux n’avait d’abord avec votre père aucun engagement particulier. Ils se rangèrent cependant tous peu à peu de son côté : il y eut en cela du bonheur : ils se trouvèrent tous gens assez modérés dans leurs prétentions. Mais ce qui leur fit prendre cette résolution, c’est qu’ils sentirent dans Kao ti une supériorité de mérite bien au-dessus de l’envie ; aucun n’eut honte de lui céder. C’est ainsi que le mérite et la bravoure de votre père, le placèrent sur le trône. Il n’y fut pas plus tôt monté, que partageant sa conquête avec ces princes, il donna à chacun d’eux un domaine de trente ou quarante hien[1], et à quelques-uns jusqu’à cent. Malgré sa libéralité et son mérite, il ne se passa pas dix ans, qu’il y eut de divers côtés d’assez fréquentes révoltes. Kao ti depuis ce temps-là eut à peine un an bien tranquille. Cependant tous ces princes connaissaient son habileté et sa valeur : ils avaient senti sa supériorité ; et c’était de lui personnellement qu’ils tenaient leurs terres. Si ces six ou sept princes, régnant chacun dans leurs États, les uns plus, les autres moins grands, mais tous cependant considérables, y avaient été sans embarras ; et que vous eussiez été alors empereur, eussiez-vous vécu sans inquiétude ? Turbulents comme ils étaient, eussiez-vous pu les contenir dans le devoir et la soumission ? J’ose encore assurer que vous ne l’eussiez pu faire, vous eussent-ils appartenu, d’aussi près qu’ils appartenaient la plupart à celui qui portait alors le nom d’empereur.

Or, je vous le répète : bientôt, si vous ne vous pressez d’y mettre ordre, vous verrez les choses en venir là. Tous les Vang, vos sujets de nom, ne le seront point en effet. Chacun fier de sa puissance réellement beaucoup trop grande, sera chez soi le petit empereur, disposera de tout indépendamment de vous, s’arrogera le droit d’accorder à celui-ci et à celui-là, telle dignité qu’il lui plaira ; de remettre les peines aux criminels ; de faire grâce même à ceux qui auront mérité la mort : et peut-être que de ces vang, quelqu’un plus puissant ou plus hardi, ira jusqu’à faire couvrir son char de couleur jaune, au grand mépris des lois de l’empire, et de votre autorité souveraine. Si quelqu’un s’oublie de la sorte, que faire ? Lui envoyer des ordres et des réprimandes ? Il s’en moquera. Quoi donc ? L’appeler

  1. C'est ainsi que s'appellent les villes du troisième ordre, et leurs districts.