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allume sur l’autel deux ou trois petites baguettes de parfums, après quoi tous s’asseyent : pour passer le temps, ils prennent du thé, ils fument, ils causent une ou deux heures ensemble, et enfin ils se retirent.

Telle est la cérémonie qu’ils observent pour demander de la pluie ou du beau temps. C’est, comme l’on voit, traiter assez cavalièrement l’idole. Si elle se fait trop prier pour accorder cette faveur, on la met quelquefois à la raison à grands coups de bâton, ce qui néanmoins arrive rarement.

On dit que cela se fit à Kiang tcheou, dans la province de Chan si. L’idole, pour avoir refusé de la pluie trop opiniâtrement durant la sécheresse, fut mise en pièces à force de coups, et cela par ordre des officiers. On juge bien que pendant cette exécution, il se chantait de beaux cantiques à sa louange.

Quand ensuite la pluie vint à tomber, on lui refit une autre statue, ce qui n’était pas difficile, car la plupart de ces statues ne sont que de terre ou d’une espèce de plâtre : on la promena en triomphe dans la ville, on lui fit des sacrifices, en un mot elle rentra dans tous les droits de sa divinité.

Le viceroi d’une province en agit de la même sorte avec une autre idole, qui ne se laissait point fléchir par ses demandes réitérées : il ne put contenir son impatience : il envoya un petit mandarin dire de sa part à l’idole, que s’il n’y avait pas de pluie à tel jour qu’il désignait, il la chasserait de la ville, et ferait raser son temple. Apparemment que l’idole ne comprit pas ce langage, ou qu’elle s’effraya peu de ces menaces, car le jour marqué arriva sans qu’il y eut de pluie.

Le viceroi offensé de ce refus, songea à tenir sa parole ; il défendit au peuple de porter son offrande à l’idole, il ordonna qu’on fermât son temple, et qu’on en scellât les portes, ce qui fut exécuté sur-le-champ. Mais la pluie étant venue quelques jours après, la colère du viceroi s’apaisa, et il fut permis de l’honorer comme auparavant.

Dans ces sortes de calamités publiques, c’est principalement à l’esprit tutélaire protecteur de la ville, que le mandarin s’adresse selon l’ancien usage, et voici la formule, dont il a accoutumé de se servir, pour implorer son secours :


Prière pour les temps de calamité publique.

« Esprit tutélaire, si je suis le pasteur et le gouverneur de cette ville, vous l’êtes encore plus que moi, tout invisible que vous êtes. Cette qualité de pasteur m’oblige à procurer au peuple ce qui lui est avantageux, et à écarter ce qui pourrait lui nuire ; mais c’est de vous proprement que le peuple reçoit son bonheur ; c’est vous qui le préservez des malheurs dont il est menacé. Au reste quoique vous soyez invisible à nos yeux, cependant lorsque vous agréez nos offrandes et que vous exaucez nos vœux, vous vous manifestez, et vous vous rendez en quelque sorte visible. Que si l’on vous priait en vain, le cœur n’aurait point de part aux honneurs qu’on vous rend. Vous seriez à la vérité ce que vous êtes, mais vous seriez peu connu : de même que moi qui suis chargé par état de protéger et de défendre le peuple, je ferais douter de mon mandarinat, si je n’agissais