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fréquentes. J’ai su qu’il en a coûté la vie à bien du monde de part et d’autre, et j’ai même lieu de croire qu’on m’a dissimulé en partie le mal. Je n’ai pu voir si longtemps souffrir les peuples, sans en être vivement touché. J’ai été d’autant plus sensible à ces maux, que je m’en suis toujours reconnu comme l’auteur, en ce que, si j’avais eu plus de sagesse et plus de vertu, ils ne seraient point arrivés. Dans cette continuelle amertume, j’ai pensé jour et nuit aux moyens de procurer une heureuse paix au dedans, et au dehors. C’est uniquement pour cela qu’on a vu si souvent mes envoyés aller et venir. Je n’ai rien omis pour bien faire comprendre à Tan yu, mes véritables intentions, qui vont également au bien de ses peuples et des miens. Tan yu les a enfin comprises, il en a reconnu la droiture, et il veut contribuer de son côté au bien commun. Nous sommes convenus de part et d’autre d’oublier le passé, et de nous réunir pour le bien de l’univers. Établir l’union dans sa famille[1], est un des premiers devoirs du prince. C’est cette année que je puis dire m’en être enfin acquitté.





Déclaration de l’empereur King ti, successeur de Ven ti, portant ordre d’avoir de la compassion dans les jugements criminels.


Il faut des lois et des châtiments, pour prévenir ou arrêter les désordres : mais aussi doit-on faire attention que ceux qu’on a fait mourir, on ne peut les ressusciter. Or il arrive quelquefois que de méchants juges sacrifient un innocent à leur passion, ou à celle d’autrui, et font trafic de la vie des hommes. Il arrive même que d’autres désintéressés en apparence, cherchent dans le fond à acquérir de la réputation aux dépens d’autrui, donnent les beaux noms de vigilance, d’équité, à la plus violente chicane, et à la plus outrée sévérité, et font périr ainsi bien des gens, même des officiers de distinction. C’est pour moi un grand sujet de tristesse, d’inquiétude, et de compassion. Mais comme d’ailleurs les supplices sont nécessaires, qu’il faut des lois qui les déterminent ; voici ce que je crois devoir ordonner, pour remédier en partie à l’abus qu’on en peut faire. Quand, suivant la lettre de la loi prise dans sa rigueur, quelqu’un est jugé coupable de mort ; si le public cependant, pour des circonstances particulières, paraît n’y point acquiescer, il faut y avoir égard, et mitiger la sentence.

L’empereur Cang hi dit : Cette déclaration est très bien conçue. King ti paraît un prince décisif et intelligent : mais sa clémence et sa bonté s’y font encore plus sentir.

  1. Tan yu était allé à Ven ti.