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et très rigoureuses ; cependant il se fait tous les jours des fautes grièves. A quoi attribuer cela ? N’est-ce pas à mon peu de vertu, et au peu de talent que j’ai pour bien instruire mes peuples ? Oui, sans doute : les fautes qu’ils font, et l’obligation où l’on est de les en punir, sont pour moi le sujet d’une extrême confusion. Le Chi king animant le prince à bien gouverner ses peuples, dit qu’il leur doit servir de père et de mère, Cependant quelqu’un de mes sujets fait quelque faute, quoique ce soit pour n’avoir pas été assez bien instruit, on le punit aussitôt : la punition est de nature à lui ôter presque tout moyen de réparer le passé par une meilleure conduite. Cela me perce le cœur. Mutiler ainsi ces pauvres coupables, jusqu’à les mettre hors d’état d’être guéris, quelle douleur pour ceux qui souffrent ce châtiment ! Mais quelle dureté dans la loi du prince. Est-ce-là tenir lieu de père et de mère à ses sujets ? Qu’on délibère donc au plus tôt sur l’abrogation de cette loi. Qu’on change ces supplices en d’autres peines ; je l’ordonne, et je veux de plus, que ceux qu’on aura châtiés, plus ou moins selon leur faute, soient au bout d’un certain temps traités comme le reste du peuple.

Sur cette déclaration, l’empereur Cang hi dit : On peut dire que ces mutilations ôtées, on en sera plus hardi à violer les lois ; qu’ainsi c’est augmenter le nombre des coupables : mais aussi faut-il faire attention, que ces mutilations et la confusion qui les suit, ôtent à ceux qui les souffrent, presque tout moyen de réparer leurs fautes passées. Changer ces supplices[1] en d’autres, par exemple, en celui des verges, c’est sauver bien des malheureux.





Autre déclaration du même empereur Ven ti, à l’occasion des prières et des supplications que faisaient faire pour lui plusieurs officiers, d’ailleurs assez négligents dans l’exercice de leurs charges.


Voici la quatorzième année de mon règne. Plus il y a de temps que je gouverne l’empire, plus je sens mon peu de capacité, et j’en ai une extrême confusion. Quoique je n’aie point manqué jusqu’ici à m’acquitter chaque année des cérémonies réglées tant à l’égard du Chang ti, qu’à l’égard de mes ancêtres ; je sais que nos anciens et sages rois n’avaient dans ces cérémonies aucune vue d’intérêt, et qu’ils n’y demandaient point ce qu’on appelle félicité. Ils étaient si éloignés de tout propre intérêt, qu’ils laissaient là leurs plus proches parents, pour élever un homme qui ne leur

  1. On ne coupe point aujourd'hui le nez ni les pieds pour aucun crime. On applique encore quelquefois sur les joues un fer chaud pour certains vols. Mais les Chinois savent effacer assez promptement ces marques.