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mandarin se préparait à aller à la cour, et qu’il avait pris ses plus magnifiques habits, la servante renversa la marmite à ses pieds, en sorte que les habits du mandarin étant tout gâtés, il fut hors d’état de paraître ce jour-là devant le roi. Le mandarin ne changea pas même de visage ; il se contenta de dire à la servante avec sa tranquillité ordinaire : Est-ce que vous vous êtes brûlée la main ? Puis il se retira dans son appartement.

Le mandarin Yang chin avait fait de grands éloges d’un lettré nommé Vang mié, et ce témoignage porta l’empereur à confier au lettré le gouvernement de la ville de Chang. Un jour qu’Yang chin passait par cette ville le gouverneur qui lui devait sa fortune, vint aussitôt lui rendre ses devoirs, et lui offrit en même temps 160 onces d’argent. Yang chin jetant sur lui un regard sévère : Je vous ai connu autrefois, lui dit-il ; je vous ai pris pour un homme sage, et je vous ai recommandé à l’empereur ; comment se peut-il faire que vous ne me connaissiez pas ? Croyez-moi, reprit le gouverneur, recevez cette légère marque de reconnaissance ; il est nuit close, personne n’en saura jamais rien. Comment, reprit le mandarin ? Personne n’en saura rien ? est-ce que le Tien ne le saura pas ? est-ce que les esprits ne le sauront pas ? Ne le saurai-je pas moi ? Ne le saurez-vous pas vous-même ? Comment dites-vous donc que personne ne le saura ? Ces paroles couvrirent de honte le gouverneur, et il se retira tout confus.

Tchung yn eut jusqu’à trois fois la charge de général des troupes de l’empire. Dans cette élévation il ne se piqua jamais d’avoir de beaux chevaux, ni de porter sur lui des parfums ; quand il avait quelques moments de plaisir, il l’employait à la lecture : il ne faisait nul cas de ces vains présages qui se répandent quelquefois, et il se donnait bien de garde d’en informer l’empereur. Il avait en horreur les sectaires, surtout ceux qui suivent les sectes de Foë et de Tao ; il était rigide, lorsque ses subalternes tombaient en quelque faute ; et libéral, lorsqu’il fallait secourir les pauvres et les orphelins. Ses greniers étaient toujours pleins de riz, afin de pouvoir soulager le peuple dans un temps de famine. Il entretenait avec soin les hôtelleries publiques ; il était magnifique dans les festins qu’il donnait. Enfin dès qu’il apprenait qu’il se trouvait dans son ressort quelques filles d’honnête famille, mais pauvres, ou destituées de parents, il se chargeait de les pourvoir : il leur trouvait des maris de même condition, et il leur fournissait libéralement les habits de noces.

Dans les visites que le docteur Lieou rendait à ses amis, il passait quelquefois plus d’une heure à les entretenir, sans courber tant soit peu le corps, et ayant la poitrine et les épaules comme immobiles ; on ne lui voyait pas même remuer les mains ni les pieds : il était comme une statue parlante, tant il était modeste.

Li uen tcing se faisait bâtir une maison proche la porte du palais impérial : quelqu’un de ses amis l’ayant averti que le vestibule n’en était pas assez vaste, et qu’à peine un cavalier pourrait-il s’y tourner commodément ; il lui répondit en souriant : Cette maison appartiendra un jour à mes enfants ; le vestibule est assez vaste pour les cérémonies qui se pratiqueront à ma pompe funèbre.