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voisine instruisit l’empereur de ce qui venait d’arriver : et Sa Majesté, pour éterniser la mémoire d’une si belle action, fit un éloge magnifique de la vertu de ces jeunes filles, et exempta à perpétuité de tout tribut leur famille et leur village.

Leao yung était fort jeune quand il perdit ses parents : il avait quatre frères, avec qui il était très uni : ils vivaient ensemble dans la même maison, et leurs biens étaient communs. Il arriva que ces quatre frères se marièrent : leurs femmes troublèrent bientôt la concorde : elles ne pouvaient se supporter l’une l’autre, c’était à tout moment des disputes et des querelles. Enfin elles demandèrent qu’on fit le partage des biens, et qu’on se séparât d’habitation.

Leao yung fut sensiblement affligé de cette demande ; et pour mieux faire connaître jusqu’à quel point son cœur était touché : il assemble ses frères et leurs femmes dans son appartement ; il ferme la porte ; il prend un bâton, et s’en frappant rudement la tête : Ah ! Malheureux Leao yung, s’écria-t-il, que te sert-il de veiller continuellement sur toutes tes actions, de t’appliquer à l’étude de la vertu, de méditer sans cesse la doctrine des anciens sages ? Tu te flattes de réformer un jour par ton exemple les mœurs de l’empire, et tu n’es pas encore venu à bout de mettre la paix dans ta maison ?

Ce spectacle frappa vivement ses frères, et leurs femmes : ils se jetèrent tous à ses pieds ; et fondant en larmes ils lui promirent de changer de conduite. En effet on n’entendit plus de bruit comme auparavant : la bonne intelligence se rétablit dans la maison, et on y vit régner une parfaite union des cœurs.


PARAGRAPHE III.
Exemples sur le soin avec lequel on doit veiller sur soi-même.


Quelqu’un demandait un jour au mandarin Ti ou lun, si depuis qu’il travaillait à acquérir la vertu, il était venu à bout de se dépouiller de toute attache et de toute affection particulière. Je m’aperçois que je n’en suis pas encore là, répondit-il, et voici à quoi je le reconnais. Une personne m’offrit il y a du temps un cheval si léger et si vif, qu’il faisait mille stades en un jour : quoique j’aie refusé ce présent d’un homme qui pouvait avoir des vues intéressées, cependant dès qu’il s’agit de proposer quelqu’un pour remplir une dignité vacante, son nom me vient toujours à l’esprit. D’ailleurs, que mon fils ait quelque légère incommodité, quoique je sache bien que sa vie n’est nullement en danger, je ne laisse pas de passer toute la nuit sans dormir, et dans je ne sais quelle agitation qui me fait bien connaître que mon cœur n’est pas encore dépris de toute affection peu réglée.

Le mandarin Lieu quon était devenu si maître de lui-même, que les événements les plus extraordinaires et les plus imprévus, n’étaient pas capables de troubler tant soit peu la paix, et la tranquillité de son âme. Sa femme entreprit un jour de le mettre en colère ; et pour y réussir, elle donna des ordres à sa servante, qui furent ponctuellement exécutés. Un jour que le