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garde de les blâmer : mais si c’est le fruit de leurs injustices, quelle différence y a-t-il, entre ces mandarins et les voleurs publics ? Et s’ils sont assez habiles pour se dérober à la sévérité des lois, comment peuvent-ils se souffrir eux-mêmes, et ne pas rougir de confusion ?

Du temps que régnait la dynastie des Han, une jeune fille nommée Chin, épousa à l’âge de seize ans un homme, qui aussitôt après son mariage fut obligé de partir pour la guerre. Comme il était sur son départ, Je ne sais, dit-il à sa femme, si je reviendrai de cette expédition : je laisse une mère fort âgée, et je n’ai point de frères qui puissent prendre soin d’elle : puis-je compter sur vous, si je venais à mourir ; et voudriez-vous bien vous charger de ce soin ? La jeune dame y consentit de tout son cœur, et son mari partit sans inquiétude. On apprit peu de temps après sa mort : la jeune veuve tint sa parole, et prit un soin particulier de sa belle mère : elle filait tout le jour, et faisait des étoffes, pour avoir de quoi fournir à sa subsistance. Enfin, après les trois années de deuil, les parents prirent le dessein de lui donner un nouveau mari : mais elle rejeta bien loin cette proposition, alléguant la promesse qu’elle avait faite à son mari, et assurant qu’elle se donnerait plutôt la mort, que de consentir à de secondes noces. Une réponse si précise ferma la bouche à ses parents ; et devenue par-là maîtresse de son sort, elle passa 28 ans auprès de sa belle-mère, et lui procura tous les secours qu’elle aurait pu attendre du meilleur fils ; cette belle-mère étant morte âgée de plus de 80 ans, elle vendit ses terres, ses maisons, et tout ce qu’elle possédait, pour lui faire des obsèques magnifiques, et lui procurer une honorable sépulture. Une action si généreuse frappa tellement l’esprit du gouverneur des villes de Hoai ngan et de Yang tcheou, qu’il en fit le récit à l’empereur dans une requête qu’il lui présenta, à ce sujet : et Sa Majesté, pour récompenser la piété de cette généreuse dame, lui fit donner 4.240 onces d’argent, et l’exempta pendant sa vie de tout tribut.

Du temps que régnait la dynastie des Tang, le premier ministre de l’empire nommé Ki çié avait une sœur qui était dangereusement malade : comme il lui faisait chauffer un bouillon, le feu prit à sa barbe : sa sœur touchée de cet accident : hé ! mon frère, lui dit-elle, nous avons un si grand nombre de domestiques, pourquoi vous donner vous-même cette peine ? Je le sais bien, répondit-il, mais nous sommes vieux l’un et l’autre, et il ne se présentera peut-être plus d’occasion de vous rendre mes petits services.

Pao hiao so étant gouverneur de la ville de King sao, qui s’appelle maintenant Si ngan, un homme de la lie du peuple vint le trouver. J’ai eu autrefois un ami, lui dit-il, qui m’envoya cent onces d’argent ; il est mort, et j’ai voulu rendre cette somme à son fils, mais il ne veut pas absolument la recevoir : faites-le venir, je vous prie, et ordonnez-lui qu’il prenne ce qui lui appartient ; en même temps il dépose l’argent entre les mains du gouverneur. Celui-ci fait venir l’homme en question, qui proteste que son père n’a jamais envoyé à personne cent onces d’argent. Le mandarin ne pouvant éclaircir la vérité, voulait rendre l’argent tantôt à l’un, tantôt à l’autre, et aucun d’eux ne voulait le recevoir, disant qu’il ne lui appartenait pas. Sur quoi le docteur Liu yang s’écrie : Qu’on dise maintenant, qu’on dise qu’il n’y a plus de gens de probité : qu’on dise qu’il n’est pas possible