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CHAPITRE SECOND.
Exemples tirés des auteurs modernes.


PARAGRAPHE I.
Exemples sur l'éducation de la jeunesse.


Un lettré nommé Liu, né dans la ville de Lien tang, avait fait avec plusieurs de ses concitoyens une espèce de société pour travailler de concert à leur perfection : ils étaient convenus des lois suivantes qui devaient être inviolablement observées. 1° Tous les membres de cette société devaient s’assembler souvent pour se porter les uns les autres, et s’exciter à la vertu. 2° Ils devaient s’avertir de leurs défauts. 3° Ils devaient se réunir dans les fêtes et les solennités, et les passer ensemble. 4° Ils devaient s’assister dans leurs besoins, et se prêter un mutuel secours dans leurs peines et leurs afflictions. 5° Si quelqu’un de la société faisait quelque action digne d’éloge, on l’écrivait dans le registre pour en conserver la mémoire. 6° De même si quelqu’un tombait dans quelque faute considérable, elle était aussitôt écrite dans le même registre. 7° Enfin tout membre de la société qui avait été averti jusqu’à trois fois de ses fautes, et qui y retombait, était pour toujours exclus de la société, et son nom biffé du registre.

Le mandarin Hou yuen se plaignait souvent de ce que les jeunes gens, qui s’appliquaient aux sciences, et aspiraient à la magistrature, ne s’attachaient qu’à une vaine éloquence, sans se mettre en peine d’approfondir la doctrine des anciens sages et de se former sur leurs exemples. C’est pourquoi il n’expliquait à ses disciples que ce qu’il y a de plus important dans les anciens livres sur le règlement des mœurs, et sur les vertus qu’on doit acquérir pour bien gouverner ; dans ses discours, il ne cherchait qu’à développer le sens des anciens livres, et méprisant les fleurs de l’éloquence, il n’avançait rien qui ne fût appuyé sur des raisonnements solides. Sa réputation se répandit bientôt de toutes parts ; et en très peu de temps on compta plus de mille disciples qui firent de grands progrès sous un maître si habile.

Lorsqu’il était mandarin des lettrés dans la ville de Hou tcheou, il érigea deux écoles : dans l’une on ne recevait que ceux qui avaient un esprit éminent, et on s’y appliquait à pénétrer bien avant dans la doctrine des anciens, et à approfondir ce qu’elle renferme de plus sublime. On admettait dans l’autre ceux qui se distinguaient par leur prudence : on leur enseignait l’arithmétique, les exercices de la guerre, les règles du gouvernement, etc. Ce grand nombre de disciples se dispersèrent par tout l’empire. Et comme ils se distinguaient du commun par leur sagesse, leur modestie, et l’intégrité de leurs mœurs, seulement à les voir on jugeait qu’ils étaient les disciples du mandarin Hou yuen.