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Le premier, est de ces personnes qui ne s’occupent que du plaisir et de la bonne chère ; qui n’ont en vue que leurs commodités et leur propre intérêt ; qui s’étudient à étouffer dans leur cœur ce sentiment de compassion, que la nature inspire pour les malheureux.

Le second, est de ceux qui n’ont aucun goût pour la doctrine des anciens sages ; qui ne rougissent point de honte et de confusion, lorsqu’ils comparent leur conduite avec les grands exemples, que nous ont laissés les héros des siècles passés.

Le troisième est de certaines gens qui dédaignent ceux qui sont au-dessous d’eux ; qui n’aiment que les flatteurs ; qui ne se plaisent qu’aux bouffonneries et aux entretiens frivoles ; qui regardent d’un œil jaloux les vertus des autres, et qui n’apprennent leurs défauts que pour les publier ; qui font consister tout leur mérite dans le faste et la vanité.

Le quatrième, est de ceux qui n’aiment que les comédies et les festins, et qui négligent leurs devoirs les plus importants.

Le cinquième, est de quelques autres qui cherchent à s’élever aux charges et aux dignités, et qui pour y parvenir, ont recours aux plus indignes bassesses, et se font les esclaves de quiconque a du crédit.

N’oubliez jamais, mon cher enfant, ajoute-t-il, que les plus illustres familles ont été établies lentement par la piété filiale, par la fidélité, par la tempérance et l’application de ceux qui les gouvernaient ; et qu’elles ont été détruites avec une rapidité étonnante par le luxe, l’orgueil, l’ignorance, la fainéantise, et la prodigalité des enfants, qui ont dégénéré de la vertu de leurs ancêtres.

Fan che premier ministre, et confident de l’empereur avait un neveu, qui le pressait continuellement d’employer son crédit pour son élévation. Comme il était encore jeune et sans expérience, Fan che lui envoya l’instruction suivante. Si vous voulez mériter ma protection, mon cher neveu, commencez par mettre en pratique les conseils que je vous donne :

1° Distinguez-vous par la piété filiale, et par une grande modestie ; soyez soumis à vos parents, et à ceux qui ont sur vous quelque autorité ; et que dans toute votre conduite, il ne vous échappe jamais aucun trait de fierté, ni d’orgueil.

2° Mettez-vous bien dans l’esprit, que pour remplir de grandes charges, il faut y apporter une application extraordinaire, et beaucoup de connaissances. Ainsi ne perdez pas un moment de temps, et remplissez-vous l’esprit des maximes que nous ont laissées les anciens sages.

3° Ayez de bas sentiments de vous-même, reconnaissez le mérite des autres, et faites-vous un plaisir de rendre à chacun l’honneur qui lui est dû.

4° Ayez soin de ne point distraire votre esprit des occupations sérieuses, et de ne le pas dissiper par des amusements peu séants à un sage.

5° Soyez en garde contre l’amour du vin ; c’est le poison de la vertu : l’homme du plus beau naturel, qui se livre à une passion si basse, devient bientôt intraitable et féroce.

6° Soyez discret dans vos paroles : tout grand parleur se fait mépriser, et s’attire souvent de tristes affaires.

7° Rien de plus consolant que de se faire des amis ; mais pour les conserver,