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Pourquoi notre libérateur tarde-t-il à venir à notre secours ? Tous les peuples de l’empire lui tendaient les mains, et n’attendaient que sa présence pour se soumettre à ses lois.

Ce que j’appelle vertu dans un prince, c’est celle qui éclatait dans ce sage héros le prince Chun. Dans les premiers temps de sa vie privée, quoiqu’il fût si pauvre, qu’à peine avait-il un peu de riz, et quelques légumes pour vivre, il était content de son sort. Quand il fut empereur, cette dignité suprême ne lui enfla pas le cœur ; ni la pourpre, ni les délices de la cour, ni tous les autres enchantements du trône ne purent le séduire. Il possédait tous ces biens, comme s’il ne les eût pas possédés ; et ce fut cette sagesse, et cette intégrité d’une vie toujours uniforme qui lui gagna absolument tous les cœurs.

Mais, me direz-vous, nous ne sommes plus dans les mêmes temps, ils ont bien changé, la corruption des mœurs est devenue presque générale : comment résister au torrent ? Vains prétextes ! une grande stérilité fera-t-elle mourir de faim un homme riche ? De même un siècle corrompu ne changera jamais le cœur d’un homme solidement vertueux.

Ensuite venant à la piété, qui doit guider un prince dans le gouvernement de ses peuples, il établit l’ordre qu’il doit garder dans la levée des tributs : le tribut de la soie ne se doit lever que dans l’été ; celui du mil et du riz, dans l’automne ; et les corvées publiques ne doivent s’exiger que pendant l’hiver. Si un prince confond cet ordre, s’il demande deux sortes de tributs dans la même saison, il réduira son peuple à la misère, il le fera périr de faim ; les peuples se disperseront, et iront chercher à vivre dans d’autres provinces, et son royaume dépeuplé périra par l’avarice du prince qui le gouverne.

Il y a trois choses, ajoute-t-il, qui doivent être plus chères et plus précieuses à un prince, que l’or et les pierreries. 1° Le royaume qu’il a reçu de ses ancêtres. 2° Les peuples qui sont confiés à ses soins. 3° La science de les bien gouverner. Il possèdera cette science de bien gouverner les autres s’il a appris à se gouverner lui-même, et à veiller sur les mouvements de son cœur, pour s’en rendre le maître. Il en sera bientôt le maître, s’il en sait diminuer les désirs.

Puis il vient au choix que Confucius faisait de ses disciples : il voulait, dit-il, qu’ils eussent de grands sentiments, un grand courage, et de la constance dans les bonnes résolutions qu’ils avaient prises : il avait horreur de ces faux sages, qui n’étaient habiles que dans l’art de feindre et de dissimuler, et qui par de simples dehors, et de vaines apparences de vertu, ne songeaient qu’à s’attirer les éloges et l’approbation de leurs concitoyens, sans se mettre en peine de les mériter par des actions véritablement vertueuses.

Enfin, il finit ce chapitre et son livre, en faisant voir que ce grand art de bien gouverner et de bien vivre, ne subsisterait plus il y a longtemps, s’il n’y avait eu par intervalle de grands personnages, qui ont eu soin de le