Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous avez entendu parler du célèbre Lieu hia hoei, qui était un modèle de douceur et d’affabilité : ni la plus affreuse indigence dont on l’eût menacé, ni la première dignité de l’empire dont on l’eût flatté, n’auraient jamais pu le faire pencher tant soit peu du côté du vice, ni le détourner d’un seul pas du chemin de la vertu. C’est un grand ouvrage que l’étude de la vertu : il ne faut pas le commencer, si l’on manque de constance pour travailler toujours jusqu’à ce qu’on ait achevé. Celui qui s’applique à cette étude, est semblable à un homme qui veut creuser un puits. Après avoir foui la terre jusqu’à la profondeur de neuf perches, s’il se lasse, s’il abandonne son travail, il ne découvrira pas la source qu’il cherche, et ses peines précédentes seront perdues : il en est de même de la recherche de la vertu : si l’on perd courage au milieu du travail, et si l’on ne continue pas ses soins jusqu’à ce que l’on en ait acquis la perfection, non seulement on n’y parviendra jamais, mais on rendra vaines et infructueuses toutes les peines qu’on aura prises.

Quand Y yn, ce fameux ministre de l’empire, vit que l’empereur Tai kia dégénérait des vertus du prince Tching tang son grand-père, il le fit descendre du trône, dont il se rendait indigne, et le renferma dans un palais secret, où était le mausolée de son grand-père. Cette action lui attira un applaudissement général. Ce prince à la vue des cendres de ce héros dont il était issu, rentra dans lui-même, se reprocha le dérèglement de se vie, détesta ses vices, et s’appliqua sérieusement à l’étude de la sagesse. Dès que le ministre se fut assuré de son changement, il le retira du palais, et le rétablit sur le trône. Ce fut un nouveau sujet de joie pour le peuple, qui applaudit également, et à la sagesse du ministre, et à la docilité du jeune empereur.

Mais quoi, dit un de ses disciples ? cet exemple est-il à imiter ? Si un sage ministre servait un prince déréglé, lui serait-il permis de le suspendre de ses fonctions royales : Sans doute, répondit Mencius, s’il avait la même autorité, et des intentions aussi pures que le ministre Y yn. Dans tout autre cas il serait regardé comme un brigand et un rebelle, et il n’y aurait point de lois assez sévères, pour punir son crime.

J’ai lu dans le livre Chi king, reprit le même disciple, que celui qui ne travaille point, ne doit pas manger. Aussi n’y a-t-il personne qui n’ait une occupation ; les princes, les magistrats, les laboureurs, les artisans, les marchands, tout le monde travaille. Mais que fait un sage, qui n’entre point dans le gouvernement ? Sa vie me paraît assez inutile, et cependant il reçoit des appointements du prince, qui ne servent qu’à l’entretenir dans une vie oisive.

Comptez-vous pour rien, répondit Mencius, les instructions, les enseignements, et les exemples qu’il donne ? Si un roi en profite, tout le royaume s’en ressent. On y voit régner la tranquillité, l’opulence, le respect filial, la candeur et la sincérité : peut-on regarder comme inutile un homme qui procure un si grand bien à l’État ?

Enfin le même disciple, qui trouvait la morale de Mencius trop austère,