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que lui tendent ses courtisans, et cette foule de flatteurs, dont les cours fourmillent. Il abandonne le soin de son État, pour se livrer tout entier aux vains amusements, à l’oisiveté, à la mollesse, et aux plus criminelles délices ; et de là naissent les plaintes, les murmures, les émotions populaires, les révoltes contre l’autorité, et enfin le renversement des rois et des royaumes. D’où l’on peut juger que les chagrins, les peines, les disgrâces conduisent souvent à une vie heureuse ; et que la prospérité, la mollesse, et les délices conduisent encore plus souvent à une mort malheureuse.


CHAPITRE SEPTIÈME.


Mencius dit dans ce chapitre que pour bien servir le Ciel, il faut :

1° Garder son cœur, et ne pas souffrir qu’il s’épanche trop au dehors, et qu’il se répande sur des choses vaines et frivoles.

2° Suivre la droite raison dans toute sa conduite, n’aimer que ce qui lui paraît aimable, et ne rien faire que ce qu’elle prescrit ; qu’un sage ne pense point aux bornes plus ou moins étroites de sa vie, qu’il sait que le nombre de ses jours est fixé par le Tien, et qu’il n’a d’attention qu’à bien régler ses mœurs ; qu’on cherche avec beaucoup de peine les honneurs et les richesses, et que cette peine est presque toujours inutile, parce que ce qui est l’objet de nos désirs et de nos recherches, est hors de nous ; mais qu’il n’en est pas de même de la vertu, que le principe qui la produit est au-dedans de nous-mêmes, et que nous l’obtenons, dès que nous la cherchons avec un cœur droit et sincère.

Après quoi il donne quelques instructions à un de ses disciples, qui faisait profession d’enseigner la sagesse. Vous aimez, lui dit-il, à vous insinuer dans les palais des princes, pour y répandre votre doctrine ; mais pour vous y comporter en homme véritablement sage, il ne faut pas que le bon ou le mauvais succès des soins que vous prendrez, trouble tant soit peu la paix intérieure de votre âme ; qu’on soit docile à vos instructions, ou qu’on les méprise, votre conduite doit toujours être égale et uniforme.

Parmi le grand nombre de personnes qui cherchent à s’établir dans les cours des princes, j’en distingue de quatre sortes : les uns qui y sont parvenus par toutes sortes d’intrigues, n’ont en vue que de leur complaire, et de se rendre agréables par des airs enjoués, et par de basses flatteries : les autres se proposent uniquement de maintenir le royaume en paix, et d’en écarter toutes les sources de divisions. Il y en a quelques-uns qu’on peut appeler des hommes du Ciel, parce qu’ils sont tout occupés de suivre les lois du Ciel. S’ils prévoient que leur doctrine sur le règlement des mœurs et le bon gouvernement sera profitable aux rois et aux peuples, ils acceptent volontiers les charges et les dignités. Si au contraire ils ont lieu de croire que leur doctrine sera peu suivie, ils s’éloignent des palais des princes, pour mener une vie obscure et retirée. Enfin il y en a quelques autres, qu’on peut regarder comme des héros. Ce sont ceux dont la vie est