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cas particuliers, où l’on peut s’en dispenser ; qu’il y a de même des lois générales ; mais que ces lois générales ne laissent pas d’avoir leurs exceptions. Je ne puis, lui disait-on, avoir les aliments nécessaires pour me conserver la vie, si je garde les lois de l’honnêteté et de la civilité, établies dans le commerce des hommes ; puis-je violer ces lois, pour ne pas mourir de faim ?

Sans doute, répond Mencius. Ce qu’il y a de plus important dans la recherche des aliments, c’est de conserver la vie, et de prévenir la mort ; ce qu’il y a de moins important dans les règles de la civilité et de la politesse, c’est de ne rien faire contre ces règles, lorsqu’il s’agit de se procurer des aliments nécessaires. Or la nécessité de se conserver la vie, l’emporte sur ce qu’il y a de moins important dans les devoirs de l’honnêteté. C’est un cas particulier, qui ne détruit point l’usage commun : c’est une exception de la loi, qui ne sert qu’à en confirmer davantage la généralité et l’étendue.

Kiao frère cadet du roi de Tsao[1], vint un jour trouver Mencius, et lui parla ainsi : Je ne puis pas comprendre ce que j’entends dire tous les jours ; que tout homme peut se rendre semblable à ces fameux empereurs Yao et Chun, dont la sagesse et la vertu m’ont toujours paru inimitables : qu’en pensez-vous ?

Je pense, répondit Mencius, qu’il ne tient qu’à vous de vous rendre semblable à ces héros : le pouvoir de les imiter ne vous manquera jamais ; ce ne peut être que la volonté. Pourvu que vous le vouliez, vous y réussirez. J’ai besoin pour cela de vos leçons, reprit Kiao ; ainsi j’ai envie de fixer ici pendant quelque temps ma demeure, afin d’être auprès de vous, et d’entendre les instructions d’un si grand maître.

Mencius entrevit peu de sincérité dans ce discours flatteur : le chemin de la vertu, lui répondit-il, est semblable à un chemin public ; il n’y a personne qui l’ignore, et il n’est difficile à tenir qu’à ceux qui sont esclaves de leurs passions, et qui se plaisent dans leur esclavage. Comme ce ne sont point les lumières qui vous manquent, vous pouvez retourner chez vous, et les réflexions que vous ferez, vous conduiront bientôt à la pratique de la vertu.

Mencius rapporte l’entretien qu’il avait eu avec le docteur Sung keng : celui-ci lui ayant dit que la guerre étant sur le point de s’allumer entre les rois de Tsin[2] et de Tsou[3], il songeait au moyen de pacifier ces deux royaumes ; qu’il allait d’abord trouver le roi de Tsou et qu’il tâcherait de le détourner de cette guerre, et de lui inspirer des sentiments de paix ; que s’il ne gagnait rien sur son esprit, il tournerait ses pas du côté du roi de Tsin, et qu’enfin il espérait de gagner les bonnes grâces de l’un ou de l’autre, et de les faire entrer dans des voies de conciliation et d’accommodement.

  1. C'est maintenant une ville murée, qui est de la dépendance de Yen tcheou dans la province de Chan tong.
  2. Maintenant la province de Chan si.
  3. Maintenant la province de Hou quang.