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CHAPITRE QUATRIÈME.


Il dit d’abord que les anciens sages n’avaient en vue dans leur conduite que l'honnêteté et l’équité ; que cependant leurs manières de penser, d’agir, et de vivre, étaient différentes. Le prince Pey par exemple, ne pouvait jeter les yeux sur un objet tant soit peu indécent ni prêter l’oreille à une parole malséante ; qu’un prince eût peu de vertu, il refusait d’être à son service ; que le peuple manquât de docilité, il l’abandonnait ; lorsqu’un État était paisible et tranquille, il exerçait volontiers les charges auxquelles on l’élevait ; mais pour peu qu’il y eût d’agitation et de trouble, il se démettait de son emploi.

Le sage Y yn pensait autrement : Y a-t il un roi si vicieux, disait-il, auquel on ne puisse rendre service ? Y a-t-il un peuple si indocile, qu’on ne puisse gouverner ? On ne doit point refuser les magistratures, ajoutait-il, ni quand l’État est tranquille, ni quand il est agité de troubles. Pendant la paix, le sage a le loisir d’enseigner la vertu ; durant les troubles, il s’applique à les apaiser. Après avoir dit qu’un ministre doit se former sur les anciens sages, qui ont donné des exemples d’intégrité, de générosité, de force, et de prudence : il rapporte en détail les charges et les dignités, qui étaient autrefois dans l’empire et dans chaque principauté, et les revenus qu’on assignait à ceux qui possédaient ces dignités.

Il enseigne ensuite à un de ses disciples la manière dont il doit se comporter avec ses amis : Quelque supériorité que vous ayez sur eux, lui dit-il, soit par votre âge, soit par vos dignités, soit par votre naissance et vos alliances illustres ; ne les traitez jamais avec des manières fières et hautaines ; mais traitez-les comme vous feriez des égaux. Il lui cite sur cela des exemples de grands mandarins, de rois, et d’empereurs mêmes, qui recherchaient l’amitié des sages, et qui descendant du haut rang auquel ils étaient élevés, les traitaient avec honneur et avec distinction. Tel était le roi de Tsin, qui rendant visite au docteur Hai tang n’osait entrer dans sa maison, ni s’y asseoir, ni manger avec lui, qu’il n’en eût obtenu auparavant la permission. Tel était l’empereur Yao qui vivait familièrement avec son premier ministre Chun, jusqu’à le faire manger à sa table.

Le même disciple lui demandant quelle devait être la vue d’un homme sage qui aspire aux dignités. C’est, répond Mencius, de coopérer au bon gouvernement d’un État : que s’il est pauvre, et qu’il ne cherche qu’à subvenir à ses besoins, il doit se contenter des postes les moins relevés, sans porter ses vues aux dignités les plus considérables. Il a de quoi vivre, et cela doit suffire. Il rapporte à ce sujet l’exemple de Confucius, qui se trouvant dans une pauvreté extrême, ne rougit point d’accepter l’intendance du parc royal. Plus mon emploi est vil et méprisable, disait-il, plus il est aisé à faire. Pourvu que les troupeaux du roi soient en bon