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CINQUIÈME CHAPITRE.


Ce chapitre contient le dialogue qu’eut Mencius avec le prince Ven Kung, héritier de la principauté de Teng. Il lui fait voir qu’il n’y a personne qui ne puisse pratiquer la vertu, et imiter les sages, parce que la bonté de la nature que nous recevons du Tien est la même dans tous les hommes, et que cette bonté n’est autre chose qu’une inclination naturelle à la piété, et à l’équité.

Lorsque les passons s’élèvent avec l’âge, dit-il, si la raison les modère, la nature se perfectionne, et l’on devient vertueux. Il lui propose ensuite pour modèles, les empereurs Yao et Chun. Et ne croyez pas, ajouta Mencius, qu’on ne puisse atteindre, à la vertu de ces héros. Ils étaient hommes comme vous ; et avec les efforts que vous ferez, et l’application que vous apporterez, vous pouvez devenir sage comme eux. Tout ce que je crains, c’est que vous ne vous rebutiez par les difficultés qui se rencontrent, lorsqu’on veut travailler à vaincre ses passions, à pratiquer la vertu, et à apprendre l’art de bien gouverner. Une médecine, dit le livre Chu king, n’opère point la guérison, si elle ne travaille le malade : de même un prince ne tirera aucun profit des enseignements des sages, s’il ne s’efforce à se vaincre lui-même.

Le prince Ven kung à la mort de son père, qui arriva dans ce temps-là, consulta Mencius de quelle manière il doit lui rendre les derniers devoirs, pour mieux marquer son respect filial. Il faut observer, répondit Mencius, ce que les rits prescrivent aux enfants, qui sont véritablement respectueux envers leurs pères. Le deuil doit durer trois ans. Pendant ce temps-là, ils doivent s’abstenir de toute fonction publique, pour ne s’occuper que de leur juste douleur : ils ne doivent se vêtir que d’un habit de toile, et ne vivre que du riz le plus commun.

J’ai appris de Confucius, poursuivit-il, qu’autrefois lorsque l’empereur venait à mourir, son fils l’héritier de l’empire, se faisait construire une méchante hutte hors de la seconde porte du palais, où il passait trois ans à pleurer son père, à se prosterner matin et soir devant son cercueil[1], et à ne vivre que du riz le plus grossier. C’était le premier ministre, qui pendant ce temps-là gouvernait l’empire. Les mandarins et les Grands de l’empire, à l’exemple de leurs princes, s’empressaient de donner des marques publiques de leur douleur, et le deuil devenait universel dans tout l’empire.

Le prince Ven kung résolut de mettre en pratique l’enseignement, que Mencius venait de lui donner. Et comme les rits ne prescrivaient dans la

  1. Il n'est pas rare de voir des Chinois qui conservent plusieurs mois, et quelquefois plusieurs années, le cercueil de leur père dans leur maison, avant que de le porter à la sépulture