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pour l’égorger ; que vous fûtes attendri à ce spectacle, et que vous ordonnâtes qu’on ramenât le bœuf dans son étable. Si la mort prochaine d’un vil animal a été capable d’exciter votre compassion, est-il possible que votre cœur ne soit pas ému à la vue des misères de votre peuple ? Mais vous aimez le fracas des armes, vous vous faites un plaisir de lever des troupes : vous voulez voir des sujets affronter les périls et la mort.

Non, dit le prince, ce n’est point là mon plaisir ; ce sont des remèdes violents, dont j’use malgré moi, pour parvenir à ce que je souhaite. Hé ! Que pouvez-vous souhaiter, reprit Mencius ? Votre table n’est-elle pas couverte de mets exquis ? Peut-on rien ajouter à la magnificence de vos habits ? N’avez-vous pas à souhait tout ce qui peut flâner vos sens ? Un nombre prodigieux de domestiques n’est-il pas attentif au moindre signal, pour vous servir et exécuter vos ordres ? Que pouvez-vous souhaiter davantage ?

Ce sont des bagatelles, répondit le prince : j’ai des vues bien plus relevées. A quoi aspirez-vous donc, répliqua Mencius ? A étendre votre royaume ? à subjuguer les nations voisines ? à envahir l’empire ? C’est comme si vous vouliez monter sur cet arbre, pour y trouver des poissons.

Vous êtes outré dans vos réflexions, dit le prince. Non, non, répondit Mencius ; loin d’exagérer je n’en dis pas encore assez : car enfin celui qui grimpe sur un arbre pour y chercher des poissons, se donne à la vérité une peine inutile, mais il n’y a que lui qui en souffre : son entreprise, toute vaine qu’elle est, n’apporte aucun dommage à l’État, et n’entraîne aucune calamité après elle. Au lieu que par les guerres que vous faites, vous vous consumez en vain de chagrins et d’inquiétudes, vous épuisez votre royaume et vous le plongez dans la plus affreuse misère. Croyez-moi, prince, ne portez vos vues qu’au gouvernement de votre État ; efforcez-vous de rendre vos peuples heureux ; ayez soin qu’ils aient de quoi raisonnablement fournir à leurs besoins ; faites cultiver les terres et régner l’abondance ; veillez à la réformation des mœurs et à l’éducation de la jeunesse : alors tous les peuples déserteront les terres, où les princes les tyrannisent ; ils s’empresseront de venir goûter les douceurs de votre empire ; et enfin ils se feront un bonheur de couler et de terminer leurs jours, sous le paisible gouvernement d’un prince si vertueux et si juste.


SECOND CHAPITRE


Le roi Siuen vang avoue à Mencius qu’il se plaît fort à la musique ; le philosophe ne désapprouve pas cette inclination, au contraire il dit qu’elle peut être utile au bon gouvernement, à cause du rapport qu’il y a entre l’accord des sons et des cœurs : et parce que l’harmonie, et cette suite bien rangée de plusieurs accords, est une image sensible de l’union et de la parfaite intelligence, qui doit régner dans un corps politique entre le