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douter de la Providence. Mais quand l’heure d’exécuter ses arrêts sera venue, nul ne pourra s’y opposer. C’est l’Etre suprême, c’est le seul souverain : quand il punit, il est juste, et on ne peut l’accuser d’agir par haine.

Mais les impies regardent comme bas ce qui est haut, et comme haut ce qui est bas. Quand donc finiront leurs excès ? Ils appellent les sages vieillards, et ils leur disent en riant : expliquez-nous vos songes. Ils sont couverts de péchés, et ils se croient être sans reproche. Parmi les corbeaux comment distinguer le mâle de la femelle ?

Quand je pense au maître de l’univers, à sa grandeur et à sa justice, je m’abaisse devant lui, et je tremble qu’il ne me reprenne. Cependant toutes mes paroles partent du fond de mon cœur, et sont conformes à la raison. Les méchants ont des langues de serpent pour déchirer les gens de bien, et ils sont tranquilles.

Voyez cette vaste campagne : elle n’est remplie que de mauvaises herbes qui sortent de son sein. Le Ciel paraît se jouer de moi, comme si je n’étais rien ; et il exige un compte exact, comme si j’avais encore quelque chose exposée à la rage de mes ennemis. Ai-je la force de m’en délivrer ?

Mon cœur est plongé dans la tristesse : il est étroitement serré par la douleur. D’où viennent donc tous les désordres qui naissent aujourd’hui ? L’incendie va toujours croissant, et il est impossible de l’éteindre. Ah ! malheureuse Pao sseë[1], c’est toi qui as allumé le feu qui nous consume.

Songez sans cesse à votre dernière heure. Le chemin où vous marchez est obscur, il est glissant, il est dangereux. Vous traînez un char richement chargé : que faites-vous ? Hélas vous brisez les deux côtés de ce chariot, vous laissez périr toutes vos richesses et quand tout est perdu, vous criez au secours.

Ne brisez point les côtés du char ; ayez grand soin de ses roues ; veillez sur vos gens ; ne laissez pas périr un si précieux trésor ; ne vous exposez point dans les endroits où il y a du péril. Mais hélas ! Je parle en vain ; on ne pense pas seulement à ce que je dis.

Les méchants croient être bien cachés : mais c’est comme les poissons qu’on tient en prison dans un étang : ils ont beau s’enfoncer dans l’eau, on les voit tels qu’ils sont de dessus le rivage ; mon affliction est extrême à la vue de leur misère.

  1. Les Chinois qui regardent depuis longtemps ces livres-ci, comme autant de monuments de ce qui s’est passé au commencement de cet empire, veulent que cette malheureuse Pao sseë, soit la femme d’Yeou vang, c’est-à-dire, roi plongé dans les ténèbres. Voici ce qu’en dit Tchu fong tching : ce n’est pas Tching tang, dit-il, qui a perdu le tyran Kié, c’est Moey son indigne épouse, qui fut la véritable cause de sa perte. Ce n’est point Vou vang qui a détrôné le cruel Tcheou ; c’est Ta kia sa femme qui a causé sa ruine. Ce n’est point le petit roi de Chin, ni les barbares d’occident, qui ont fait périr l’aveugle Yeou vang : c’est Pao sseë, qui l’a précipité dans un si grand malheur. Mais hélas ! s’il eut une Pao sseë pour le perdre, il n’eut point ni de Tching tang, ni de Vou vang, pour lui succéder. Ce peu de mots renferme tout ce qu’on sait en substance des trois fameuses familles.