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bientôt les effets. Instruire les ignorants, c’est en même temps s’instruire soi-même : et quand on s’exerce constamment dans l’un et dans l’autre, étant maître et disciple tout ensemble, on croît en sagesse, sans presque s’en apercevoir. Mais pour ne point se tromper, il faut toujours prendre les anciens rois pour votre modèle.





LE CHI KING
Troisième livre canonique du premier Ordre.


Le caractère chi, signifie vers, parce qu’en effet tout ce livre ne contient que des odes, des cantiques, et des poésies composées sous les règnes de la troisième race, où l’on voit décrites les mœurs, les coutumes, les maximes des petits rois, qui gouvernaient les provinces sous la dépendance de l’empereur. Les unes n’ont que trois strophes ou stances, qui présentent la même pensée, comme sous trois jours assez peu différents, excepté que chaque stance semble enchérir sur la précédente ; les autres paraissent écrites d’un style plus noble et plus grand. Le nombre des stances n’est pas borné, et chaque stance est le plus souvent de dix vers.

Les interprètes chinois ne sont pas trop heureux à déchiffrer ces poésies : ils se sont fait un système qui a ses contradictions, et qui n’est pas d’ailleurs fort honorable à ces précieux restes d’une antiquité si reculée : on y donne de grandes louanges à la vertu, et on y trouve grand nombre de maximes très sages ; aussi Confucius en fait-il un grand éloge, et assure que la doctrine est très pure et très sainte : c’est ce qui a fait juger à quelques interprètes, que cet ouvrage a été corrompu par le mélange de plusieurs pièces mauvaises car il s’y en trouve d’extravagantes et d’impies, qui les font regarder comme apocryphes. Cependant ces poésies sont d’une grande autorité dans l’empire. Le style en est très obscur, et cette obscurité vient sans doute du laconisme, des métaphores, et de la quantité d’anciens proverbes, dont l’ouvrage est semé. Mais c’est cette obscurité-là même, qui lui concilie l’estime, et la vénération des savants.

On peut partager ces poésies en cinq espèces différentes.

La première comprend les éloges des hommes, qui se sont rendus illustres par leurs talents et par leurs vertus ; avec plusieurs instructions, qu’on avait coutume de chanter dans les solennités, dans les sacrifices aux obsèques et aux cérémonies qui se font en mémoire des ancêtres.

La seconde contient les coutumes établies dans le royaume : ce sont comme des romans, qui étaient composés par des particuliers, qui ne se chantaient pas, mais qui se récitaient en présence de l’empereur et de ses ministres. On y fait naïvement la peinture des mœurs, et l’on y censure les défauts des peuples, et des princes qui les gouvernent.