s’il est droit, votre gouvernement sera parfait. Dans ce qui concerne les cérémonies, on ne doit pas négliger la pompe extérieure ; mais il ne faut pas en demeurer-là. C’est du fond du cœur que doit procéder tout ce qui paraît au-dehors. Trop peu d’extérieur marquerait du mépris et trop de façons causerait du trouble. Ce sont deux excès qu’on doit également éviter.
Je suis charmé, s’écria l’empereur, de tout ce que je viens d’apprendre. Mon unique soin désormais sera d’y conformer ma vie. Si je ne vous avais pas pour me donner des conseils salutaires, je ne saurais comment m’y prendre pour acquérir la vertu.
Fou yue battait la terre du front par respect et reprenant ensuite la parole : Il n’est pas difficile, dit-il, de connaître le bien ; la difficulté est de le faire. Aimez la vertu, prince, vous ne trouverez dès lors rien de plus doux, et vous serez semblable aux anciens rois vos ancêtres. Si je ne vous parlais pas librement, comme je viens de faire, je serais coupable, et indigne du rang où vous m’avez élevé.
Il n’y a que vous, dit l’empereur, qui puissiez me donner des lettrés, tels que je les souhaite. Vous savez que quand on veut faire du vin[1], on y jette des drogues qui le font fermenter, et qui lui donnent de la force. Vos conseils ont sur moi le même effet : ils m’élèvent, et me communiquent un courage, que je n’aurais point sans vous. Quand on prépare un bouillon, vous savez qu’on a soin d’y mettre des ingrédients[2], qui empêchent qu’il ne soit fade. Vos leçons font sur moi la même chose : elles assaisonnent ma vertu. Travaillez donc avec moi sur moi-même et soyez sûr que rien au monde ne m’est plus à cœur, que de faire tout ce que vous me direz.
Vouloir être instruit, répondit Fou yue, c’est une très bonne marque, car cela montre qu’on a un vrai désir de bien faire : mais on ne viendra jamais à bout de ce qu’on souhaite tant, qu’en suivant les maximes des anciens rois. Qu’on puisse s’immortaliser, en suivant une autre route, c’est ce que jusqu’ici je n’ai pas encore appris.
L’étude de la sagesse consiste à être bien humble[3], comme si l’on était incapable de tout ; mais il faut en même temps être aussi ardent, que si l’on n’avait rien fait, et qu’on pût tout faire : c’est le moyen d’éviter deux grands défauts, qui sont la paresse et l’orgueil. Dès qu’on en est délivré, on avance aisément et promptement dans les voies de la véritable sagesse. Croyez-moi, Prince, et mettez-le en pratique, vous en éprouverez
- ↑ Le vin, ou plutôt la bière chinoise se fait avec une espèce de riz particulier. Il faut, quand il est presque cuit, y ajouter certaines drogues, pour le faire lever.
- ↑ Le texte dit yen moei. Yen, c’est du sel, et moei, une sorte de fruit, qui donne du goût.
- ↑ Ce n’est pas seulement en cet endroit qu’on recommande l’humilité : cette vertu fondamentale est exaltée en plusieurs endroits de ces anciens livres, et il est aussi ordinaire de rencontrer chez les Chinois des leçons d’humilité, qu’il était rare d’en trouver parmi les philosophes grecs et les Latins.