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parfaitement un ! Il est digne de l’empire qu’il a reçu ; il rendra ses sujets éternellement heureux.





Histoire et entretien de l’empereur Cao tsong, et de Fou yue, son ministre.


L’empereur répondit aux Grands par un court écrit de la main, dans lequel il disait : « Depuis que j’ai hérité de l’empire du monde, j’ai toujours appréhendé de n’avoir pas toute la vertu dont j’ai besoin pour le bien gouverner. C’est pourquoi jusqu’ici je n’ai osé donner aucun ordre. Mais n’étant occupé dans le silence de la nuit, que des moyens de remplir comme il faut mes devoirs, il m’a semblé que le Seigneur me donnait lui-même de la main un ministre fidèle : ce sera cet homme extraordinaire qui vous parlera en ma place.

L’empereur fit donc aussitôt tirer le portrait de ce ministre promis, tel qu’on le lui avait montré, et n’omit rien pour le faire déterrer par ce moyen, s’il était caché dans quelque coin de l’empire. On trouva dans le désert un homme qui s’était bâti une petite grotte au pied du mont Yen et il parut à ceux qui le cherchaient, parfaitement semblable à la peinture qu’ils avaient en main. Du moment que l’empereur le vit, il le reconnut et en présence de toute sa cour, il le fit son premier ministre, et lui dit :

Ne cessez point de m’avertir chaque jour, et de me reprendre très souvent, afin de m’aider à acquérir la vraie sagesse. Songez que je suis comme un morceau de fer brut : c’est vous qui devez me façonner et me polir. Songez que j’ai à passer un torrent large et dangereux : c’est vous qui devez me servir de barque et d’aviron. Songez que je suis comme une terre sèche et aride : il faut que vous soyez comme une douce pluie qui la rafraîchisse, et qui la rende féconde. Ouvrez donc votre cœur, et versez dans le mien toutes les richesses qu’il renferme ; mais n’allez pas m’épargner car si la médecine n’est un peu forte, le malade ne guérit point. Associez-vous tous ceux qui m’approchent, et unissez-vous tous pour me corriger de concert afin que semblable aux anciens rois, et digne héritier des vertus de Tching tang, je puisse comme lui rendre mes peuples heureux. Acquittez-vous fidèlement de cette obligation que je vous impose et ne désistez point, que vous ne m’ayez rendu tel que je dois être.

Fou yue répondit à l’empereur : Comme une pièce de bois devient droite, en suivant exactement le cordeau, de même les rois deviennent vertueux, en se conformant aux sages conseils qu’on leur donne. Quand un roi est vertueux, le premier ministre est porté de lui-même à faire son devoir. Mais si ce bon roi veut de plus qu’on ne manque point de l’avertir, qui oserait ne pas obéir à un commandement si beau ?