faveur continue. Vous ne devez donc pas trop compter sur elle, comme si ce bonheur devait toujours durer. Si vous pratiquez constamment la vertu, vous conserverez votre couronne : mais si vous abandonnez la sagesse, soyez sûr que vous perdrez tout ce que le Ciel vous a donné.
Vous en avez un bel exemple dans le roi Kié : il ne persévéra point dans le chemin de la vertu : il devint impie et cruel : le suprême Tien[1] le rejeta ; et regardant ensuite toute la terre, il chercha quelqu’un qui fût digne de régner à la place de ce malheureux prince ; sitôt qu’il l’aura trouvé, il veut lui-même l’éclairer et le conduire. Mais ce qu’il aime et ce qu’il cherche, c’est une vertu pure et constante. Voilà ce qu’il souhaite dans le nouveau roi, qu’il a dessein de donner au monde.
Il ne trouva que Tching tang et moi de ce caractère. Tous deux également dévoués à la vertu, le Ciel nous aimait et nous portait dans son cœur. C’est pourquoi il nous donna l’univers entier à gouverner. Ayant ainsi pour nous le Ciel et le peuple, nous renversâmes sans peine l’empire de Hia. Ce n’est pas que le Ciel ait eu pour nous une affection déréglée ; c’est que le Ciel est toujours pour cette vertu pure et solide. Ce n’est pas que nous ayons brigué les suffrages du peuple ; c’est que le peuple ne peut résister à une telle vertu. Quand on s’est consacré tout entier à la sagesse, tout réussit, on est toujours content, toujours heureux ; mais quand on ne se donne à la vertu qu’à demi et pour un temps, on éprouve à coup sûr tout le contraire. Le bonheur ou le malheur dépend donc de l’homme ; car les récompenses ou les châtiments du Ciel dépendent de nos œuvres bonnes ou mauvaises.
Héritier de Tching tang, l’empire que vous possédez est nouveau ; que votre vertu soit donc aussi nouvelle. Faites, en vous renouvelant sans cesse, qu’il n’y ait point de différence entre le dernier jour de votre règne et le premier. Ne donnez les charges qu’à ceux qui ont de la sagesse et du talent ; mais pour votre premier ministre, il vous faut un homme accompli en tout point parce qu’il doit vous rendre solidement vertueux, et faire passer vos vertus dans tout votre peuple. Un homme si parfait est difficile à trouver : cherchez-le donc avec un soin extrême afin que le ministre et le roi ayant les mêmes désirs, et le même zèle, ils ne fassent tous deux qu’un seul tout[2], par leur étroite et intime union.
La vraie vertu ne s’astreint point aux opinions d’aucun maître étranger ; le bien solide est le seul maître qu’elle se propose d’écouter. Un tel maître n’exige pas toujours la même chose : mais encore que suivant ses leçons, on agisse directement selon les diverses circonstances ; on est cependant toujours étroitement attaché à l’unité, hors de laquelle il n’y a rien de bon. C’est pour lors que tous les peuples s’écrient : O ! que son cœur est pur et