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les uns aux autres : Attendons notre bon roi ; dès qu’il paraîtra, nous reprendrons une vie nouvelle. Voilà, Prince, quel était pour vous l'empressement de tous les peuples.

Il ne faut pas avoir scrupule d’être roi[1] ; mais il faut travailler à se rendre un bon roi. Dans cette vue distinguez les sages, et assistez les gens de bien : comblez de gloire ceux qui sont d’une fidélité reconnue, et secondez ceux qui n’ont que des intentions droites ; donnez des surveillants aux petits rois qui sont faibles ; diminuez le pouvoir de ceux qui en abusent ; privez de leur couronne ceux qui troublent le bon ordre, et punissez de mort ceux que leurs crimes rendent indignes de régner. Par là vous arrêterez les méchants, vous fortifierez les bons ; et tous ces rois faisant leur devoir, vous ferez régner la vertu et la paix dans tout le monde.

Lorsqu’un souverain tâche de se rendre chaque jour meilleur qu’il n’est, tous les peuples n’ont des cœurs que pour l’aimer ; mais s’il s’imagine en avoir assez fait, il est méprisé et abandonné de ses parents les plus proches. Appliquez-vous de tout votre cœur à l’exercice des plus grandes vertus, afin que vos sujets trouvent dans vous un modèle achevé. Que la justice soit la règle de toutes vos actions, et que la plus pure raison serve de bride à vos désirs. Un bon roi laisse assez de richesses aux princes ses enfants, en leur laissant l’exemple de ses vertus pour héritage. J’ai toujours entendu dire que c’est être roi, que de regarder les autres comme capables de nous apprendre quelque chose : car celui qui aime à s’instruire, s’enrichit. Au contraire le vrai moyen de se perdre, c’est de croire que les autres ne nous valent pas car on est fort à l’étroit, quand on se croit suffire à soi-même. Tâchez de finir aussi bien que vous avez commencé : souvenez-vous que le Ciel est juste, qu’il élève les bons, et qu’il châtie les méchants : suivez exactement les lois, pour vous assurer un bonheur éternel.





Instruction qu’Y yun[2] donna au jeune Tai kia.


Héritier de Tching tang, ne vous reposez pas trop sur la protection présente du Ciel : il dépend en quelque façon de vous, que sa

  1. Cette pensée n’est pas formellement dans le texte ; mais c’est le sens de toute cette harangue, et les interprètes s’en servent pour lier ce qui précède, avec ce qui suit.
  2. On prétend qu’Y yun aida Tching tang à détrôner Kié. On suppose que Tai kia est fils de Tching tang, et qu’Y yun l’enferma pendant trois ans entiers dans le tombeau de son père : mais il est sûr que dans le corps du texte, on ne trouve nulle part Tai kia. On n’y lit que Sseë vang, qui signifie un jeune prince encore mineur. Pour ce qui est du fait hardi, qu’on prête à Y yun, on ne voudrait pas en répondre. Le texte veut peut-être dire seulement qu’Y yun l’envoya s’instruire à la sépulture, et sur le tombeau de Tching tang. Quoi qu’il en soit, on ajoute que cette pièce contient les derniers conseils qu’Y yun lui donna, en se retirant de la cour, pour aller mener une vie privée dans le repos de la solitude.