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tenir, exceller d’abord dans la théorie de la sagesse, en sorte qu’on n’ignore rien ; ensuite rentrer dans le fond du cœur, et faire que toutes les vertus y soient pures et sans mélange ; enfin régler tout l’extérieur, en sorte qu’il n’y ait aucune action, aucune fonction de nos sens qui ne soit dans l’ordre.

Mais enfin avec des inclinations, telles que les ont eues nos sages, cette sagesse et cet état de perfection, dont je viens de parler, ne s’acquerra jamais, qu’on n’y apporte beaucoup d’application et de travail.

Le même Y king dit encore : fidélité dans les vertus communes ; exactitude dans les discours ordinaires ; droiture parfaite préservée de la vanité et de la corruption. Qu’entendons-nous par ces vertus communes ? Si ce n’est celles qui regardent le prince et le sujet, les parents et les enfants, les aînés et les cadets, le mari et la femme, et enfin les amis entre eux. De quels discours ordinaires veut parler l’Y king ? Sinon des leçons touchant les devoirs du prince et du sujet, etc. Mettez à part ces obligations et cette doctrine, que reste-t-il dans la vie civile, et dans un État qu’on doive pratiquer, et qui mérite le nom de science ? Quant à ces mots du texte, vanité, corruption, en voici le vrai sens : voulez-vous que la raison Tien ly, qui nous vient du Tien, nous éclaire par des lumières toujours pures ? Prenez garde que l’amour ne l’obscurcisse : de même se conserver dans une parfaite droiture, ce n’est autre chose que d’avoir une vertu pure : mais pour l’avoir telle, il faut la préserver du mélange, que la propre volonté séduite par les passions, y fait entrer imperceptiblement : toute autre explication de cet endroit du texte, n’en rend pas le véritable sens.

Parcourons les maximes et la doctrine de nos grands hommes Yao, Chun, Yu, Tang, Ven vang, Tcheou kong, Kong tseë[1] et nous verrons qu’ils sont tous d’accord sur le point que je traite.

Yao, en remettant l’empire à Chun, surtout, lui dit-il, gardez toujours un juste milieu : ce juste milieu consiste à ne donner dans aucune extrémité, à n’excéder en rien, à ne manquer en rien ; Chun à son tour, en laissant le gouvernement à Yu, lui fit cette belle leçon. Le cœur de l’homme est de son fond sujet à mille périls et à mille égarements : le centre de la vérité est comme un point presque imperceptible : donnez donc toute votre attention à cette grande maxime : gardez en tout un juste milieu. Par le cœur de l’homme on entend ses penchants et ses affections pour les choses sensibles. Le centre de la vérité, c’est la droiture de son âme : l’attention que demande Chun, c’est l’examen rigoureux des inclinations les plus secrètes : en être le maître, c’est avoir acquis la droiture ; et quand on la possède, on ne lui donne jamais la moindre atteinte par des vues intéressées touchant les choses sensibles qui réveillent les passions.

C’est pourquoi le texte dit : le centre de la raison qui doit nous guider par le rayon qui en part est infiniment délié et subtil. Si l’homme a appris à surmonter les périls de son cœur, de son amour propre, il sera en état

  1. Confucius.