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Traduction du chapitre Kiang hio, ou modèle que donne l’auteur d’un discours tel qu’il se peut faire dans le Hio, ou salle des assemblées des lettrés.


Le parfait gouvernement est fondé sur les louables coutumes, qu’on fait régner dans un État. Pour y réussir, il faut travailler à rectifier le cœur de l’homme. Veut-on le rectifier ? Qu’on lui donne l’intelligence de la doctrine des sages. Il ne faut pas croire qu’il faille la chercher bien loin, ni qu’elle soit impossible ou difficile à acquérir. On ne propose point des routes écartées, ou extraordinaires, où l’on ne puisse entrer et marcher qu’avec beaucoup de peine. Cette doctrine se réduit aux devoirs du prince et du sujet, des pères et des enfants, des frères aînés et des cadets, du mari et de la femme, enfin d’un ami à l’égard de son ami. Qu’on remplisse toutes ces obligations parfaitement ; dès là nul défaut, nul excès : que voudrait-on davantage ? Mais sans étude on ne pénètre point la raison qui règle et qui autorise ces maximes ; et si on ne la pénètre pas, on ne la mettra pas en pratique. Au reste ce qu’on entend par la raison, est proprement l’attribut du Tien ; les talents et les lumières qu’il communique à l’homme, en sont une participation : dans le Tien, cela s’appelle raison : dans l’homme, on le nomme vertu ou talents ; et mis en pratique par l’action, on lui donne le nom de justice.

Les lumières de cette raison en plusieurs, c’est leur volonté et la corruption de leur cœur qui l’obscurcit : la raison une fois obscurcie par l’amour propre, dès là la vertu du cœur de l’homme est mélangée, et ne saurait être pure : la vertu intérieure n’étant pas pure infailliblement dans la pratique, on ne remplira pas tous ses devoirs. Ainsi s’écartera-t-on de la justice, c’est pour cela que l’Y king[1] dit fort bien : l’étude du sage est de croître en sagesse, et d’ajouter connaissances à connaissances : il cherche à s’instruire, et il s’applique à examiner ce qu’il a appris : il aime à communiquer ses lumières aux autres ; mais il s’y tient comme dans un appartement, dont il ne sort jamais ; sa science n’est point stérile ; la piété règle sa conduite.

Effectivement le défaut d’instructions fait qu’on n’avance point dans la vertu ; et si l’on n’est pieux, on ne sera jamais parfait. C’est donc avec raison que le texte dit, qu’il faut commencer par prendre des leçons, et les approfondir : ensuite viennent comme de source les actions d’une vie réglée par la piété. Voilà l’ordre qu’il faut nécessairement

  1. Livre Canonique.