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passait et repassait sur une pierre à aiguiser un gros piston de fer : il s’arrêta un moment. Que prétendez-vous faire de ce piston, lui dit-il ? Je veux, répliqua-t-elle, à force de le frotter en tout sens, en faire une aiguille pour de la broderie. Li pe rentrant en lui-même, conçut ce mystère ; et au lieu de continuer son chemin vers sa maison, il retourna à l’ancien lieu de son étude, pour s’y appliquer avec une nouvelle ardeur, et il parvint dans la suite à de grands emplois.


REMARQUE.


L’auteur dont on tire ces exemples sur l’amour filial, et sur l’application à l’étude, finit son livre, en rapportant des traits d’histoire sur différentes vertus propres de l’honnête homme. En voici quelques-uns.


XVI

Sous le règne des Song, un philosophe nommé Fan tchung siuen disait à ses disciples : Toute ma science s’est rapportée à entendre et à mettre en pratique ces deux points : droiture, douceur ; et je vois qu’il me reste sur cela encore beaucoup à apprendre et à pratiquer. Il n’est guère de personnes, ajoutait-il, quelque grossières qu’elles soient, qui en reprenant les autres, ne marquent avoir de l’esprit. De même les plus éclairés, lorsqu’ils veulent excuser leurs fautes, font paraître leur peu de lumières. Il faudrait, pour bien faire, se reprocher ses défauts avec la même disposition de cœur, qu’on se sent en faisant une réprimande à autrui, et pardonner les manquements des autres, comme l’on se pardonne les siens propres. En tenant constamment cette conduite on arriverait à un haut degré de sagesse et de vertu.


XVII

Voici encore un sage mandarin du temps des Song nommé Fan, mais dont le surnom est Tchung yen. Il n’avait nulle attache à ses richesses ; son plaisir était d’en faire part aux pauvres, et surtout à ceux de sa parenté, qui était très nombreuse. Pour rendre cette bonne œuvre durable, il fit acheter de grandes terres, dont le revenu devait être employé à perpétuité pour la subsistance des pauvres, et surtout de ceux de la famille, qui n’avaient pas de quoi fournir aux vêtements, aux mariages, et aux obsèques. Au reste il ne voulait point que son économe examinât si ses parents étaient proches ou éloignés, Tout ce que nous sommes de Fan, disait-il, dans les provinces de Kiang nan et de Kiang si, nous sortons tous d’une même tige, et de ce premier qui s’est établi en ce pays : nous sommes tous ses fils et ses petits-fils, nous ne faisons tous qu’une même famille : depuis plus de cent ans je suis le seul de la famille qui ait fait fortune ; c’est-à-dire, que durant plus de cent ans nos pères ont amassé des vertus ; le fruit des vertus de tant de particuliers a commencé à se faire sentir en moi, et j’ai été élevé aux charges : si je prétendais seul, moi et mes enfants, jouir de mes richesses, sans en faire part indifféremment à nos pauvres parents, avec quel front après ma mort, oserais-je paraître devant nos ancêtres ? et