étrange famine, par la disette des grains. L’aîné Hiao revenant un jour de la campagne, où il avait recueilli quelques racines, tomba malheureusement entre les mains de certains brigands affamés, et si barbares, qu’ils égorgeaient, et mangeaient ceux qu’ils attrapaient. Comme ils se préparaient à donner le coup de la mort à Hiao : Messieurs, leur dit-il, en pleurant, j’ai laissé à la maison ma mère fort âgée, elle meurt de faim ; permettez-moi de lui aller porter ces racines que j’ai ramassées, et je vous jure que je reviendrai aussitôt ; alors je n’aurai point de peine à quitter la vie. Ces barbares se laissèrent toucher, et lui permirent d’aller chez lui, à la condition qu’il proposait. Hiao arrive au logis, et raconte ce qui s’était passé. Son cadet Li part aussitôt à la dérobée, et va se livrer aux voleurs. Celui-ci, dit-il, à qui vous avez permis d’aller secourir sa mère, c’est mon frère ; il me passe de beaucoup en mérite : et moi, comme vous voyez, je suis d’une autre corpulence que lui : tuez-moi à la place. L’aîné Hiao s’étant aperçu de la fuite de son frère, et se doutant de son dessein, accourut vite au rendez-vous : C’est moi, disait-il, qui ai engagé ma parole ; je viens la dégager : n’écoutez point, je vous prie, ce que dit mon frère. Ces hommes altérés de sang, frappés de cet attachement filial, et de cet amour réciproque des deux frères, les renvoyèrent sans leur faire aucun mal.
La dame Ly apprit que son fils séant dans son tribunal, s’était emporté jusqu’à faire mourir sous le bâton un soldat, et que le murmure des troupes sur cette action violente croissait de moment à autre : elle sort aussitôt de son appartement intérieur, se rend au lieu de l’audience, où le jugement avait été porté et exécuté. Le mandarin s’étant aussitôt levé par respect, elle s’avance, se place dans son siège, et lui ordonne de se mettre à genoux ; et lui reprochant sa cruauté : Quoi, mon fils, lui dit-elle, l’empereur vous a-t-il confié l’autorité que vous avez, pour en abuser, comme vous venez de faire ? puis se tournant vers les exécuteurs de la justice : Qu’on dépouille mon fils, ajouta-t-elle, et qu’on le frappe sur les épaules : je suis sa mère, je lui impose ce châtiment. Les officiers subalternes se jetèrent à terre, et demandèrent grâce. C’est ainsi que l’autorité maternelle apaisa une émotion qui s’élevait, corrigea l’humeur fière et emportée de son fils, et conserva dans sa maison un emploi distingué, qu’il était sur le point de perdre.
La mère d’un nommé Ouei pe yu ne se contentait pas des menaces. Si son fils déjà âgé commettait quelque faute, elle prenait la verge et le frappait elle-même. Ce fils obéissant pliait les épaules, et souffrait humblement le châtiment, sans se plaindre. Un jour, recevant des coups, il se mit à pleurer, et à jeter un grand cri. Eh quoi, mon fils, dit la mère, vous commencez donc à vous plaindre, et à supporter impatiemment ma correction ? Non, ma mère, répondit-il ; ce n’est pas là ce qui me fait jeter ce cri ; c’est que la dernière fois que vous me fîtes une réprimande,