Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qu’ils auront appris par cœur durant cinq jours, ils seront obligés de le réciter tout de suite le sixième jour ; et ce jour-là ils n’auront rien de nouveau à apprendre : ils méditeront toutes ces leçons ; et sans le secours du livre, ils les mettront par écrit. Ceux qui seront en faute, seront punis. Ces jours de répétition générale sont pour les étudiants, ce que sont les grands examens pour les lettrés.

Mais ce qu’il importe le plus d’apprendre à la jeunesse, c’est la vertu. Qu’ils sachent l’estimer, l’aimer, la pratiquer ; connaître leurs défauts, les combattre, les vaincre ; refondre leur naturel, et le changer entièrement : voilà leur grande étude. Et afin qu’on ne s’y trompe pas, voici ce que veulent dire ces termes généraux : Il faut qu’un jeune homme soit dans le domestique parfaitement obéissant, et au dehors très composé : rencontre-t-il un supérieur, ou des personnes âgées ? qu’il leur marque beaucoup de respect ; se trouve-t-il avec ses compagnons ou ses égaux ? Qu’il les gagne par sa modestie, et par une honnête complaisance ; qu’on ne voie en lui, ni aucun air de fierté, ni des manières trop négligées ; qu’aucun trait de médisance ne se mêle dans ses discours ; que son visage ne s’altère jamais par la colère ; que dans le commerce du monde, et dans les affaires qu’il a à traiter, il agisse toujours avec sincérité, avec fidélité, et avec droiture. C’est là effectivement se réformer, se perfectionner.

Notre Y king[1] dit : travailler à redresser ceux qui ignorent les voies de la justice, et qui s’en écartent ; c’est l’occupation d’un sage. Ce texte nous avertit que comme la jeunesse est l’âge de l’ignorance, aussi la grande science, dont on doit, pour ainsi dire, nourrir les jeunes étudiants, c’est la science d’un cœur d’un esprit droit, qui s’éloigne du travers des fausses sectes et des maximes dangereuses. Une telle éducation, digne exercice de nos sages, quels excellents sujets ne formerait-elle point ? Que penser donc d’un maître, qui négligeant de redresser ses disciples sur les erreurs et la corruption du siècle, donne toute son application à les surcharger de différentes leçons, dont il remplit leur mémoire sans aucun fruit ? Étrange désordre !

Au reste on l’empêcherait ce désordre, si les mandarins, qui sont les pasteurs 2 aussi bien que les gouverneurs du peuple, qui leur est confié, voulaient y donner quelque attention : par exemple, lorsque pour quelque affaire, comme il arrive souvent, ils sont obligés d’aller à la campagne, et de se transporter en différents endroits de leur district, s’ils prenaient la peine de visiter en personnes les écoles, d’examiner par eux-mêmes le progrès qu’on y fait, et la méthode qu’on observe ; de louer avec quelques marques de distinction la capacité des écoliers, et de reconnaître par quelque libéralité les soins et l’application du maître ; quel fruit cela ne produirait-il

  1. C'est le plus ancien livre canonique de la Chine.