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environ trois cents, dont les compositions sont jugées les meilleures. Il y a eu des temps où l’on ne donnait ce grade qu’à cent cinquante.

Les trois premiers s’appellent tien tseë men feng, c’est-à-dire, les disciples du fils du Ciel. Le premier se nomme tchoang yuen, le second pang yuen, et le troisième tan hoa. Parmi les autres, l’empereur en choisit un certain nombre, auxquels ils donnent le titre de han lin, c’est-à-dire, docteur du premier ordre. Les autres docteurs s’appellent tsin seë.

Quiconque peut parvenir à ce titre glorieux de tsin seë, soit dans les lettres, soit même dans la guerre, doit se regarder comme un homme solidement établi : il ne craint plus l’indigence ; car outre qu’il reçoit une infinité de présents de ses proches et de ses amis, il est à portée des plus importants emplois de l’empire, et tout le monde brigue sa protection. Ses amis et ses parents ne manquent guère d’élever dans leur ville de magnifiques arcs de triomphe en son honneur, sur lesquels ils gravent son nom, le lieu, et l’année qu’il a reçu son grade.

Le feu empereur Cang hi, dans les dernières années de son règne, s’aperçût qu’il ne paraissait plus un aussi grand nombre de livres qu’autrefois, et que ceux qu’on mettait au jour, n’avaient pas le degré de perfection qu’il souhaitait pour la gloire de son règne, et pour mériter d’être transmis à la postérité. Il jugea que ces premiers docteurs de l’empire, jouissant tranquillement du rang où ils avaient été élevés, et de la réputation de savants qu’il s’étaient acquise, négligeaient l’étude dans l’attente des emplois lucratifs.

Pour remédier à cette négligence, aussitôt que l’examen des docteurs fût fini, il voulut, contre la coutume, examiner lui-même ces premiers docteurs, si fiers de leur qualité de juges et d’examinateurs des autres. Cet examen qui surprit fort, fut suivi d’un jugement qui surprit encore davantage. Plusieurs de ces premiers docteurs furent honteusement dégradés, et renvoyés dans leurs provinces. La crainte d’un examen semblable tient en haleine ces premiers savants de l’empire.

Dans cet examen extraordinaire, l’empereur s’applaudit, de ce qu’un des plus habiles de la cour, qu’il chargea du soin d’examiner les compositions, se trouva de son même sentiment, et qu’il avait condamné toutes celles que Sa Majesté avait réprouvées, à une seule près, que ce mandarin jugea d’un mérite douteux.

On peut voir par ce que je viens de dire, que la comparaison n’est pas tout à fait juste, de ces trois divers degrés, qui distinguent à la Chine les gens de lettres avec les bacheliers, les licenciés, et les docteurs d’Europe. 1° parce que ces noms en Europe ne sont connus presque nulle part que dans les universités et les collèges ; et que, pour être licencié, on n’en a pas un plus grand accès chez le monde poli ; au lieu qu’ici ces trois degrés sont toute la noblesse et la politesse de la Chine, et fournissent presque tous les mandarins, à l’exception de quelques Tartares. 2° parce qu’il faut en Europe une grande ouverture dans les sciences spéculatives, et une connaissance nette de la philosophie et de la théologie, pour