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imprimées en caractères rouges assez gros : les enfants ne font que couvrir les traits rouges de couleur noire avec leurs pinceaux, pour s’accoutumer à former les traits.

Quand ils ont appris ainsi à les former, ou leur en donne d’autres, qui sont noirs et plus petits ; et appliquant sur ces feuilles une autre feuille blanche de leur papier, qui est transparent, ils calquent, et tracent les lettres sur ce papier, selon la forme de celles qui sont dessous. Mais ils se servent plus souvent d’une planche couverte d’un vernis blanc, et partagée en petits carrés, qui sont les différentes lignes, sur laquelle ils écrivent leurs caractères, et qu’on efface avec de l’eau quand l’exemple est finie ; cela épargne le papier.

Enfin ils prennent grand soin de se former la main ; car c’est un grand avantage aux gens de lettres de bien peindre leurs caractères ; on y a beaucoup d’égard, et dans l’examen qui se fait de trois en trois ans pour les degrés, on renvoie d’ordinaire ceux qui peignent mal, surtout, si leur écriture est peu exacte, à moins que d’ailleurs ils ne donnent de grandes preuves de leur habileté, soit dans la langue, soit à composer de beaux discours.

On rapporte qu’un aspirant aux degrés s’étant servi, contre l’ordre, d’une abréviation, en écrivant le caractère ma, qui signifie cheval, eut le chagrin de voir sa composition, quoiqu’excellente, mise pour cela seul au rebut, et essuya de la part du mandarin ce trait de raillerie, qu’un cheval ne pouvait marcher, s’il n’avait ses quatre pieds.

Quand on connaît assez de caractères pour pouvoir composer, il faut apprendre les règles du ven tchang. C’est une composition assez semblable à ces espèces d’amplifications, qu’on fait faire en Europe aux écoliers, qui sont prêts d’entrer en rhétorique : à cela près que le ven tchang doit être plus difficile, parce que l’esprit est plus gêné, et que le style en est particulier. On ne donne pour toute matière qu’une sentence tirée des livres classiques ; c’est ce qu’on appelle ti mou, le sujet, et ce sujet n’est quelquefois qu’une seule lettre.

Pour juger si les enfants profitent, voilà ce qui se pratique en plusieurs endroits. Vingt ou trente familles, qui portent toutes le même nom, et qui ont par conséquent la même salle de leurs ancêtres, s’unissent ensemble, et conviennent d’envoyer deux fois chaque mois leurs enfants dans cette salle, pour y composer. Chaque chef de famille donne tour à tour le sujet, et fournit ce jour-là aux frais du dîner, qu’il a soin de faire porter dans la salle. C’est encore lui qui porte le jugement des compositions et qui déclare ceux qui ont le mieux réussi. Si le jour qu’on compose, quelqu’un de cette petite société s’absente sans raison, ses parents sont obligés de payer environ vingt sols ; c’est un moyen sûr qu’aucun ne s’absente.

Outre cette industrie, qui est particulière et libre, il faut que tous ces jeunes gens composent tous ensemble devant le petit mandarin des lettrés, qu’on appelle hio koüan. Cela se fait au moins deux fois l’an, une fois au printemps,