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ciel, le soleil, la lune, l’homme, quelques plantes, quelques animaux, la maison, et les ustensiles les plus ordinaires. On a gravé grossièrement toutes ces choses, et mettant après le caractère chinois, ces figures, bien que grotesques, réveillent l’esprit des enfants, fixent leur imagination, et aident leur mémoire. C’est ce qu’on peut appeler l’A. B. C. des Chinois. L’inconvénient qui s’y trouve, c’est que dès leur plus tendre jeunesse, leur esprit est imbu d’une infinité de chimères : car pour peindre le soleil, ils mettent un coq dans un cercle ; un lapin qui pile du riz dans un mortier, c’est la lune ; une manière de diable qui tient en main la foudre, à peu près comme les anciens peignaient leur Jupiter, c’est le tonnerre. Viennent en leur rang les bonzes et leurs miao ou pagodes ; de sorte que les pauvres enfants sucent, pour ainsi dire, avec le lait toutes ces rêveries. On m’a assuré depuis peu que cette méthode n’est plus guère en usage.

Le livre qu’on leur met ensuite entre les mains, s’appelle San tseë king. C’est un abrégé qui contient ce qu’un enfant doit apprendre, et la manière de l’enseigner. Il consiste en plusieurs petites sentences de trois caractères arrangées en rimes, pour faciliter la mémoire des enfants. Il y en a aussi un autre dont les sentences sont de quatre caractères. On a fait de même pour les enfants chrétiens un catéchisme, dont toutes les phrases n’ont que quatre lettres, et qui s’appelle pour cette raison ssëe tsëe king ven.

Au reste il faut que les enfants apprennent peu à peu tous ces caractères, de même qu’on leur fait apprendre en Europe notre alphabet, avec cette différence, que nous n’avons que vingt-quatre lettres, et qu’il y en a plusieurs mille à la Chine. On oblige un jeune Chinois à en apprendre d’abord quatre, cinq, ou six en un jour, et il faut qu’il les répète sans cesse depuis le matin jusqu’au soir ; car il en doit rendre compte régulièrement deux fois le jour ; et s’il manque souvent à sa leçon, on le punit. Le châtiment se fait ordinairement de la sorte : on le fait monter sur un petit banc fort étroit, où il se couche tout de son long sur le ventre, et là il reçoit sur son caleçon huit ou dix coups d’un bâton plat comme nos lattes. Pendant le temps de leurs études, on les y applique avec tant de soin, et ils apportent tant d’assiduité, qu’ils ont rarement des jours de relâche, si ce n’est environ un mois au nouvel an, et cinq ou six jours vers le milieu de l’année.

Du moment qu’ils sont capables de lire les sseë chu[1]. On ne leur en laisse plus lire d’autres, qu’ils ne les sachent par cœur, sans broncher d’une seule lettre, et ce qu’il y a de plus épineux et de plus rebutant, c’est qu’il faut qu’ils les apprennent, sans qu’ils y entendent presque rien ; la coutume étant de ne leur expliquer le sens des caractères, que quand ils les savent parfaitement.

En même temps qu’ils apprennent ces lettres, on leur montre à les former avec le pinceau. On leur donne d’abord de grandes feuilles écrites ou

  1. ce sont les quatre livres qui renferment la doctrine de Cong fou tseë ou Confucius, et de Ming tseë ou Mencius.