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davantage, lesquelles dans les chaleurs jettent quantité de grosses larmes de résine, qui paraît presque de l’ambre jaune. La nature du bois qui se brûle, contribue beaucoup à la bonté de l’encre : l’espèce de suie qui se tire des fourneaux de verreries, et dont les peintres se servent, pourrait bien être la plus propre pour la composition de l’encre chinoise.

Comme l’odeur de la suie serait très désagréable, si l’on veut épargner la dépense du musc qu’on a coutume d’y mêler, on peut embaumer les petites loges de parfums : leur odeur qui s’exhale dans ces loges, s’incorpore avec la suie attachée aux murailles en forme de mousse et de petits flocons, et l’encre qu’on en fait n’a point de mauvaise odeur.

Le même auteur chinois que j’ai cité, fait diverses observations que je ne dois pas omettre.

1° Si vous voulez distinguer les divers degrés de bonté de l’encre nouvellement faite, prenez un vase couvert du vernis le plus fin, appelle tsouan kouang tsi ; après avoir mouillé par le bout les différentes pièces d’encre, frottez les sur le vase vernissé ; les épreuves étant sèches, exposez le vase au soleil ; si vous voyez que la couleur de l’encre est tout à fait semblable à celle du vernis, cette encre est du premier ordre ; elle est bien inférieure, si le noir est tant soit peu bleuâtre ; s’il est comme cendré, c’est l’encre du plus bas prix, et la moins estimée.

2° Le moyen de bien conserver l’encre, et d’empêcher qu’elle ne se gâte, c’est de la tenir bien enfermée dans une boîte, où l’on ait mis de l’armoise parfaitement mûre. Surtout ne l’exposez jamais aux rayons du soleil ; car elle se fendrait, et s’en irait en pièces.

3° On conserve quelquefois dans un cabinet par curiosité des bâtons d’encre chargés d’ornements et de dorures : si quelqu’un de ces bâtons venait à se briser, le moyen de réunir ensemble les deux pièces, en sorte qu’il ne paraisse aucun vestige de rupture, c’est d’y employer de l’encre même, de la réduire en pâte sur le marbre, et d’en frotter les morceaux cassés, en les pressant l’un contre l’autre. Laissez alors le bâton d’encre une journée entière sans y toucher, et vous le trouverez aussi sain et aussi ferme, que s’il n’eût pas été cassé.

4° Quand on veut écrire, et finir délicatement les traits de pinceau, avant que de broyer l’encre sur le marbre, il faut avoir soin de le bien laver, afin d’en ôter tout ce qui y serait resté d’encre du jour précédent. Pour peu qu’il en restât, elle nuirait à la nature du marbre dont on se sert, et à la nouvelle préparation de l’encre. Du reste, pour laver le marbre, il ne faut point se servir d’eau chaude, ni d’eau fraîchement tirée du puits ; mais d’une eau qu’on ait fait bouillir, et qui se soit refroidie. Les meilleures pierres et les plus propres à préparer l’encre, s’appellent youan che.

5° Quand on a conservé longtemps de l’encre, et qu’elle est fort ancienne, on ne s’en sert plus pour écrire : elle devient, selon les Chinois, un excellent remède, qui est rafraîchissant, qui arrête les hémorragies de sang et les convulsions des petits enfants. Ils prétendent que par ses alkalis propres à absorber les acides morbifiques, elle adoucit l’âcreté du sang. La