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papier, s’il est bien uni, et si l’on y emploie le talc préparé de la manière suivante.

Il faut faire choix du talc qui est fin, d’un blanc de neige, et transparent : le talc vient de la province de Se tchuen : celui qu’apporte les Moscovites, est le meilleur. Les Chinois nomment ce minéral yun mou che, c’est-à-dire, pierre matrice des nuages, parce que chaque feuille qu’on en sépare, est une espèce de nuée transparente.

Quand on a bien choisi la pierre de talc, il faut la faire bouillir dans de l’eau environ quatre heures. Après l’avoir retiré du feu, on la laisse encore dans l’eau un ou deux jours : ensuite on la lave bien, et on la met dans un sac de toile, où on la brise à grands coups de maillet. A dix livres de talc brisé, on ajoute trois livres d’alun blanc : on moud le tout dans un petit moulin, qui se tourne à la main avec une espèce de manivelle : puis on le passe par un tamis de soie, et après avoir recueilli ce qui a passé, on le jette dans l’eau qu’on fait tant soit peu bouillir. Quand la matière est tout à fait reposée, et que l’eau est devenue pure, on la fait écouler par inclination. Ce qui reste au fond ayant été exposé au soleil, fait une masse qu’on porte dans le mortier, pour le réduire en poudre impalpable. On passe encore cette poussière par le tamis, et on l’emploie de la manière que je l’ai expliqué ci-dessus.

Je ne dois point oublier en finissant cet article, une manufacture assez singulière, qui est à l’extrémité d’un faubourg de Peking, où il se fait un rhabillage de papier, dont le débit est fort grand : c’est-à-dire, que ces ouvriers ramassent tout ce qu’ils peuvent trouver de vieux papier usé, pour en faire de nouveau, qu’ils ont l’art en quelque sorte de rajeunir : peu importe que ce papier soit écrit, qu’il ait été collé sur des châssis ou sur des murailles, ou qu’il ait servi à d’autres usages, tout leur est bon, et on leur en apporte des provinces, qu’ils achètent à un prix très modique.

Ces ouvriers occupent un assez long village, dont les maisons sont adossées contre les sépultures : chaque maison a une enceinte de murailles bien blanchies avec de la chaux. Là on voit dans chaque maison de grands monceaux de vieux papiers qu’ils ont ramassés : s’il s’en trouve beaucoup de fin, ils en font le triage. Ils jettent ces morceaux de vieux papiers dans de grands paniers plats et assez serrés ; ils vont ensuite près d’un puits et sur une petite pente pavée, ils lavent de toute leur force ce vieux papier, ils le manient avec la main, et le foulent avec les pieds pour le décrasser, en ôter les souillures, et le réduire en une masse informe : puis ils font cuire cette masse, et après l’avoir bien battue jusqu’à ce que la matière se trouve au point qu’il faut pour en lever des feuilles, ils la versent dans un réservoir. Ces feuilles ne sont que d’une grandeur médiocre : quand ils en ont levé une assez bonne pile, ils la portent dans l’enclos voisin, où séparant chaque feuille avec la pointe d’une aiguille, ils l’appliquent encore toute humide contre la muraille qui est très unie et très blanche. Dès que l’ardeur du soleil a séché toutes ces feuilles, ce qui se fait en peu de temps, ils les détachent et les rassemblent.