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croître considérablement les plants tchu kou. Au bout de trois ans il est en état d’être coupé, pour en fabriquer le papier.

Quand il s’agit d’affermir le papier et de l’empêcher de boire, les Chinois lui donnent une teinture d’alun : pour exprimer cette opération, les Européens ont inventé le terme de faner, parce que le mot chinois fan signifie alun. Voici quelle est leur méthode. On prend six onces de colle de poisson bien blanche et bien nette ; on la hache fort menu, et on la jette dans douze écuellées d’eau pure, qu’on fait ensuite bouillir : il faut sans cesse la délayer, en sorte qu’il n’y reste aucun grumeau de la colle. Quand le tout a été réduit en une forme liquide, on y jette trois quarterons d’alun blanc et calciné qu’on y fait fondre et incorporer. Cette mixtion se verse dans un grand et large bassin, sur lequel on met en travers une baguette ronde et bien polie. Ensuite on passe l’extrémité de chaque feuille dans toute sa largeur, entre une autre baguette fendue d’un bout à l’autre, dont on serre bien les deux parties ; puis en plongeant doucement la feuille de papier, on en tire aussitôt ce qui y est entré, en le faisant glisser sur la baguette ronde. Quand toute la feuille a passé lestement par ce bain, où elle s’est blanchie et affermie, la longue baguette qui embrasse la feuille à son extrémité, se fiche dans un trou de muraille, où la feuille reste suspendue pour se sécher. C’est là tout le secret qu’ont les Chinois de donner au papier du corps, de la blancheur, et même de l’éclat. Un auteur chinois prétend que ce secret leur est venu du Japon.

C’est le lieu de parler ici d’un autre secret qu’ont les Chinois, d’argenter le papier à peu de frais et sans y employer de feuilles d’argent. Il faut prendre sept fuen, ou deux scrupules de la colle de peau de bœuf, trois fuen d’alun blanc, et demie livre de belle eau, faire cuire le tout à petit feu jusqu’à la consomption de l’eau, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il ne s’élève plus de fumée ni de vapeur. On doit avoir soin que cette mixtion soit très pure et très nette. Alors on étend sur une table bien unie, les feuilles de papier fait de l’arbre qui porte le coton. Ce papier se nomme se lien tchi : on met sur ces feuilles avec le pinceau, deux ou trois couches de la colle d’une manière égale et uniforme. Il est aisé de s’apercevoir quand cette liqueur appliquée a de la consistance et ne coule point ; si elle paraît encore s’étendre, il faut revenir à une nouvelle couche. Enfin on prend de la poudre de talc, préparée de la manière que je l’expliquerai plus bas ; on la passe par un tamis très fin, ou par une pièce de gaze bien serrée, et l’on répand uniformément cette poussière, sur les feuilles disposées à la recevoir : après quoi on suspend ces feuilles à l’ombre pour se sécher : quand elles sont sèches, on les remet sur la table, et avec du coton neuf, on les frotte doucement pour en faire tomber le superflu du talc, qui peut servir pour une autre occasion. On pourrait même employer simplement cette poussière, en la détrempant dans l’eau mêlée de colle et d’alun, et tracer à son gré des figures sur le papier.

Quoique je n’aie parlé que de l’espèce de papier fait de l’arbrisseau qui porte le coton, ce n’est pas à dire qu’on ne puisse argenter toute sorte de