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quelquefois bien éloigné de l’endroit du palais où ils rendent leurs hommages.

Après avoir satisfait à ce devoir, nous approchâmes de sa personne, et nous étant mis à genoux de côté et sur une même ligne il s’informa de notre nom, de notre âge, de notre patrie, et nous entretint avec une douceur et une affabilité, qu’on admirerait dans tout autre prince que dans un empereur de la Chine.

On ne peut nier que cette suite de cours de plein pied et sur une même ligne, que cet assemblage, quoique confus et informes, de corps de logis, de pavillons, de galeries, de colonnades, de balustrades, et de degrés de marbre, que cette multitude de toits couverts de tuiles d’un vernis jaune si luisant et si beau, que quand le soleil y donne, ils paraissent dorés, on ne peut nier, dis-je, que tout cela ne présente à la vue je ne sais quoi de magnifique, qui frappe, et qui donne à connaître que c’est le palais d’un grand empereur.

Si l’on y ajoute les cours, qu’on y a pratiquées sur les ailes pour les offices, et les écuries, les palais des princes du sang, ceux de l’impératrice et des femmes, les jardins, les étangs, les lacs, les bois où l’on nourrit toutes sortes d’animaux, tout cela paraîtra avoir quelque chose de singulier. Ce n’est pourtant là que le palais intérieur du prince, qui est séparé par une grande muraille du palais extérieur, lequel est fermé d’un mur élevé et fort épais, et qui a environ deux lieues de circuit. C’est comme une petite ville où logent les différents officiers de la cour, et un grand nombre d’ouvriers de toutes les sortes, qui y sont entretenus pour le service de l’empereur.


Maisons de plaisance des anciens empereurs de la Chine.

Fort près de Peking se voit la maison de plaisance des anciens empereurs : elle est d’une étendue prodigieuse : car elle a bien de tour dix lieues communes de France ; mais elle est bien différente des maisons royales d’Europe. Il n’y a ni marbre, ni jets d’eau, ni murailles de pierre : quatre petites rivières d’une belle eau l’arrosent ; leurs bords sont plantés d’arbres. On y voit trois édifices fort propres et bien entendus. Il y a plusieurs étangs, des pâturages pour les cerfs, les chevreuils, les mules sauvages, et autres bêtes fauves ; des étables pour les troupeaux, des jardins potagers, des gazons, des vergers, et même quelques pièces de terre ensemencées ; en un mot tout ce que la vie champêtre a d’agrément s’y trouve. C’est là qu’autrefois les empereurs se déchargeant du poids des affaires, et quittant pour un temps cet air de majesté qui gêne, allaient goûter les douceurs d’une vie privée.

Cependant ces empereurs ne sortaient que rarement de leur palais, et moins ils se montraient à leurs peuples, plus ils croyaient se concilier de respect. Les Tartares qui occupent maintenant le trône, se sont humanisés, et sans trop s’écarter du génie de la nation, ils sont devenus beaucoup plus populaires.


Cérémonies lorsque l'empereur sort de son palais.

Lorsque l’empereur sort de son palais, la coutume est qu’il soit accompagné d’une grande partie des seigneurs de sa cour. Tout brille dans ce cortège, les armes, les harnois des chevaux, les banderoles, les parasols, les éventails, et toutes les autres marques de la dignité impériale. Ce sont