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Quant à cette riche semence qui reste attachée sur les feuilles de papier, il peut y en avoir encore de rebut : les œufs, par exemple, qui étant collés ensemble forment des espèces de grumeaux, doivent être rejetés ; l’espérance de la soie est dans les autres, et c’est de ceux-ci qu’on doit prendre un très grand soin. Sur quoi notre auteur s’étonne, que les vers étant si sensibles aux impressions de l’air tant soit peu froid ou humide, leurs œufs au contraire se trouvent fort bien de l’eau et de la neige : Ne semble-t-il pas, dit-il, qu’ils soient de deux natures différentes ? Il compare les changements qui arrivent aux vers, qu’on voit devenir successivement fourmis, chenilles, et enfin papillons, aux changements qui arrivent par ordre aux plantes, par le développement de leurs parties qui sont compactes dans une situation, et qui se dilatent dans une autre, dont les unes sèchent et tombent, au moment que d’autres paraissent et sont dans toute leur vigueur.

Le premier soin qu’on doit prendre, c’est de suspendre ces feuilles chargées d’œufs à la poutre de la chambre qui sera ouverte par devant, afin que le vent passe, sans pourtant que les rayons du soleil donnent dessus : il ne faut pas que le côté de la feuille où sont les œufs, soit tourné en dehors. Le feu dont on échauffe la chambre ne doit jeter ni flamme, ni fumée : on doit aussi prendre garde qu’aucune corde de chanvre n’approche ni des vers, ni des œufs : ces avertissements ne se répètent pas sans raison. Quand on a laissé durant quelques jours les feuilles ainsi suspendues, on les roule d’une manière lâche, en sorte que les œufs soient en dedans de la feuille, et on les suspend encore de la même manière durant l’été et l’automne.

Le huitième de la douzième lune, c’est-à-dire, à la fin de décembre, ou dans le mois de janvier, lorsqu’il y a un mois intercalaire, on donne le bain aux œufs dans de l’eau froide de rivière, s’il est possible, ou bien dans de l’eau où l’on aura dissous un peu de sel, ayant l’œil que cette eau ne se glace. Les feuilles y resteront deux jours, et de peur qu’elles ne surnagent, on les arrête au fond du vase, en mettant dessus une assiette de porcelaine. Après les avoir retirées de l’eau, on les suspend de nouveau, et lorsqu’elles sont sèches, on les roule d’une manière un peu serrée, et on les enferme séparément et debout dans un vase de terre. Dans la suite, environ tous les dix jours une fois, lorsque le soleil après un temps pluvieux se montre avec force, on expose les feuilles à ses rayons dans un lieu couvert où il n’y ait point de rosée : on les y laisse ainsi exposées environ une demie heure, et puis on les enferme comme on a fait auparavant.

Il y en a dont la pratique est différente : ils plongent les feuilles dans de l’eau, où ils ont jeté des cendres de branches de mûriers, et après les y avoir laissées un jour entier, ils les en retirent pour les enfoncer quelques moments dans de l’eau de neige, ou bien ils les suspendent durant trois nuits à un mûrier, pour y recevoir la neige ou la pluie, pourvu qu’elle ne soit pas trop forte.

Ces bains ou d’une espèce de lessive et d’eau de neige, ou d’eau de rivière, ou d’eau empreinte de sel, procurent dans son temps une soie facile à