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par ces grands exemples, les princesses, les dames de qualité, et généralement tout le peuple, à élever des vers à soie ; de même que les empereurs, pour ennoblir en quelque sorte l’agriculture, et exciter les peuples à des travaux si pénibles, ne manquent point au commencement de chaque printemps, de conduire en personne la charrue, et d’ouvrir en cérémonie quelques sillons, et d’y semer des grains. L’empereur régnant observe encore cet usage.

Pour ce qui est des impératrices, il y a du temps qu’elles ont cessé de s’appliquer au travail de la soie. On voit néanmoins dans l’enceinte du palais de l’empereur, un grand quartier rempli de maisons, où est l’église des jésuites français, dont l’avenue porte encore le nom de chemin qui conduit au lieu destiné à élever des vers à soie, pour le divertissement des impératrices et des reines. Dans les livres de l’ancien philosophe Mencius, on trouve un sage règlement de police fait sous les premiers règnes, qui détermine l’espace destiné à la culture des mûriers, selon l’étendue du terrain que chaque particulier possède.

Ainsi l’on peut dire que la Chine est le pays de la soie : il semble qu’elle soit inépuisable : outre qu’elle en fournit à p.206 une quantité de nations de l’Asie et d’Europe, l’empereur, les princes, les domestiques, les mandarins, les gens de lettres, les femmes, et généralement tous ceux qui sont tant soit peu à leur aise, portent des habits de soie, et sont vêtus de satin ou de damas. Il n’y a guère que le petit peuple, ou les paysans, et les gens de la campagne, qui s’habillent de toiles de coton teintes en couleur bleue.

Quoique plusieurs provinces de cet empire fournissent de parfaitement belles soies, celle qui vient de la province de Tche kiang, est sans comparaison la meilleure et la plus fine. Les Chinois jugent de la bonne soie par sa blancheur, par sa douceur, et par sa finesse. Si en la maniant elle est rude au toucher, c’est un mauvais signe. Souvent pour lui donner un bel œil, ils l’apprêtent avec une certaine eau de riz mêlée de chaux qui la brûle, et qui fait que l’ayant transportée en Europe, on ne peut la mouiller.

Il n’en est pas de même de celle qui est pure, car rien n’est plus aisé à mouliner. Un ouvrier chinois moulinera cette soie pendant plus d’une heure, sans s’arrêter, c’est-à-dire, sans qu’aucun fil se casse. Aussi l’on ne peut rien voir ni de plus beau, ni de plus net.

Les moulins dont ils se servent, sont bien différents de ceux d’Europe, et beaucoup moins embarrassants. Deux ou trois méchants dévidoirs de bambou avec un rouet leur suffisent. Il est surprenant de voir quelle est la simplicité des instruments avec lesquels ils font les plus belles étoffes.

On trouve à Canton une autre espèce de soie qui vient du Tong king, mais elle n’est pas comparable à celle que fournit la province de Tche kiang, pourvu néanmoins que celle-ci ne soit pas trop humide, et c’est à quoi il faut prendre garde, en se donnant le soin d’ouvrir les paquets ; car les Chinois, qui d’ordinaire cherchent à tromper, mettent quelquefois dans le cœur du paquet un ou deux écheveaux de grosse soie, bien différente de celle qui paraît au-dessus.